Inégalités devant l’orientation après le bac

Question n° 1489S adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Publiée le : 14/07/2016
Texte de la question : Mme Sylvie Robert appelle l’attention de Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessité de mieux accompagner l’orientation des élèves vers l’enseignement supérieur. Une étude de mai 2016, menée par l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) dans l’académie de Toulouse, souligne que les résultats d’admission post-bac reposent, dans une large mesure, sur un déterminisme social évident. À dossiers équivalents, les élèves issus de milieux favorisés s’orientent beaucoup plus vers les filières d’excellence ou les grandes écoles. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat : les ressources financières, la position sociale des parents qui influe sur le choix des enfants, l’asymétrie d’information sur les établissements de l’enseignement supérieur ou encore les disparités relatives à l’orientation dans les lycées. Cette configuration tend à conférer un poids déterminant au capital social et culturel détenu par l’élève et sa famille. Afin de limiter cet écueil, il se révèle donc important d’avoir une véritable politique publique en la matière. Il est reconnu que le système d’admission post-bac (APB) requiert un accompagnement et un suivi personnalisés de chaque élève. Or, ces derniers varient allègrement d’un lycée à un autre, creusant ainsi les inégalités devant l’orientation. Il s’ensuit que l’impossibilité d’obtenir, dans le cadre scolaire, des informations pertinentes sur les filières et établissements envisagés, ou des conseils quant aux stratégies à mettre en œuvre pour formuler ses vœux constitue l’une des causes principales d’erreur, voire d’échec, d’orientation. Elle lui demande ainsi quelles mesures le Gouvernement souhaite prendre pour que chaque élève puisse faire un choix éclairé et ait une égale chance, avec le système APB, de poursuivre ses études dans la filière et l’établissement supérieur qu’il désire. Elle l’interroge également sur la possibilité de mieux former les enseignants et les personnels de la communauté éducative à l’accompagnement des élèves dans le système APB afin qu’il n’y ait pas de rupture d’égalité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert.
À publier le : 16/11/2016, page 17330
Texte de la réponse : Mme Sylvie Robert. Madame la secrétaire d’État, une récente étude menée par l’INSEE dans l’académie de Toulouse souligne que les résultats d’admission post-bac reposent, dans une large mesure, sur un déterminisme social évident. À dossiers équivalents, les élèves issus de milieux favorisés s’orientent beaucoup plus vers les filières d’excellence ou les grandes écoles. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat : les différences de ressources financières, la position sociale des parents, qui influe souvent sur le choix des enfants, l’asymétrie d’information concernant les établissements d’enseignement supérieur ou encore les disparités en matière d’orientation dans les lycées. Cette configuration tend à conférer un poids déterminant au capital social et culturel détenu par l’élève et sa famille.
Or le niveau de diplôme demeure un facteur prépondérant en matière d’insertion sur le marché du travail. À preuve, quatre ans après la sortie de la formation initiale, le taux de chômage des peu ou non diplômés, qui s’élève à 45 %, est quatre fois plus important que celui des diplômés du supérieur.
Pour remédier à cette situation, il se révèle donc essentiel d’agir en amont, en garantissant une égalité réelle devant l’orientation, laquelle n’est pas seulement un « processus de répartition des élèves dans différentes voies de formation », mais aussi « une aide dans le choix de leur avenir scolaire et professionnel », comme le rappelle le Haut Conseil de l’éducation.
À ce titre, il est reconnu que le système APB, admission post-bac, requiert un accompagnement et un suivi personnalisés de chaque élève.
Néanmoins, l’impossibilité parfois, pour l’élève, d’obtenir dans le cadre scolaire des informations pertinentes sur les filières et établissements envisagés, ainsi que des conseils quant aux stratégies à mettre en œuvre pour formuler ses vœux, constitue l’une des causes principales d’erreur, voire d’échec, d’orientation.
D’ailleurs, dans le rapport d’information sénatorial intitulé « Une orientation réussie pour tous les élèves », il est préconisé d’intégrer le conseil en orientation dans la formation initiale et continue des enseignants. Dans cette même perspective, les rectorats ont proposé des améliorations du système APB : ouvrir le dispositif à l’ensemble des filières sélectives ; abandonner le tirage au sort utilisé pour certaines formations, qui est source de frustration, d’injustice et parfois de contentieux ; associer au processus, dès la classe de première, l’élève et sa famille, afin de les familiariser à l’outil APB et de leur permettre d’anticiper et de réfléchir posément à l’orientation ; renforcer la transparence du système APB par la publication de son code source, conformément aux dispositions de l’article 2 du projet de loi pour une République numérique, qui crée un droit d’accès aux règles définissant le traitement algorithmique.
Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ces quelques pistes de réflexion. Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, envisagez-vous de prendre d’autres mesures afin que tous les élèves puissent faire un choix éclairé et aient des chances égales, avec le système APB, de poursuivre ses études dans la filière et l’établissement supérieur de ses vœux ?

 

Réponse de Mme la secrétaire d’État, auprès de la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage 

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Madame la sénatrice Sylvie Robert, je suis mandatée par Mme la ministre de l’éducation nationale et par mon collègue Thierry Mandon pour répondre à votre question.
L’orientation des élèves est un des champs de réflexion et de travail du Gouvernement depuis 2012, dans la perspective de la lutte que nous menons contre le décrochage scolaire.
C’est dans ce cadre que le parcours Avenir a été mis en place, à la rentrée 2015, pour délivrer une information personnalisée à chaque élève, et ainsi favoriser l’élaboration d’une orientation cohérente. Cet accompagnement personnalisé en lycée, dispensé dès la classe de seconde, représente d’ores et déjà deux heures par semaine en moyenne.
Des actions ont également été engagées pour améliorer le continuum de formation bac-3/bac+3, telles que la généralisation du conseil d’orientation anticipé en classe de première, le renforcement du rôle de la commission académique des formations post-baccalauréat, l’amélioration de l’articulation des programmes du second degré et du supérieur par la rénovation en profondeur des programmes, le renforcement des passerelles et l’évolution de l’offre pédagogique.
Je tiens également à rappeler que le dispositif admission post-bac n’est, pour les élèves, qu’un outil d’expression des vœux. Le choix de l’orientation se fait bien évidemment en amont de la formulation de ces derniers sur le portail ; c’est le fruit d’une réflexion que l’élève mène avec l’aide de l’équipe pédagogique et grâce aux ressources de l’ONISEP, l’Office national d’information sur les enseignements et les professions.
Ce portail a fait l’objet d’évolutions importantes, qui visent à améliorer l’information et à permettre à chaque élève de formaliser un choix réfléchi, que ce soit en le confortant dans son choix ou en lui conseillant une autre orientation. De plus en plus, ce portail permet en effet aux élèves de recevoir un conseil. La très grande majorité des universités l’utilisent désormais pour formuler des avis : on recense plus de 500 000 avis ainsi délivrés par les universités au cours de la dernière année. Les équipes éducatives ont été formées à cet effet dans chaque académie, au niveau des bassins de formation des établissements.
Les actions mises en œuvre sur le terrain, à l’instar des Cordées de la réussite et des parcours d’excellence, lancés à la rentrée de 2016, doivent aussi être mentionnées.
Ces politiques commencent à porter leurs fruits : nous enregistrons des résultats extrêmement positifs, avec une baisse du nombre de jeunes sortis sans qualification, inférieur cette année à 100 000, le taux de jeunes de 18 à 24 ans non qualifiés étant désormais, dans notre pays, plus faible qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni.
J’ai bien pris note, madame la sénatrice, des questions très précises que vous avez posées sur un certain nombre de points. Je ne suis pas en mesure d’y répondre, mais je les transmettrai à Mme la ministre de l’éducation nationale et à Thierry Mandon.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie vivement de cette réponse, et j’ai bien noté que mes questions précises obtiendront des réponses précises. Mon intention n’était vraiment pas de critiquer le système APB, qui s’est en effet beaucoup amélioré. Je souhaitais simplement souligner la difficulté que rencontrent certains élèves, et leurs familles avec eux, pour élaborer de façon libre et éclairée leur parcours professionnel.