« Encadrement des droits-télé de football au niveau européen et équité sportive »

Question n° 1081S adressée à M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports

Publiée le : 26/03/2015
Mme Sylvie Robert appelle l’attention de M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports sur l’écart croissant des droits de retransmission audiovisuelle du football entre les principaux championnats européens et anglais. La Premier League anglaise de football a annoncé les droits-télé pour les saisons 2016 à 2019. Le montant record s’élève à près de sept milliards d’euros (6,9 pour être précis), soit 2,3 milliards d’euros par an. Cette somme représente une augmentation de 70 % de ces droits par rapport à la période actuelle (2013-2016). Concrètement, pour diffuser un match, les opérateurs britanniques dépenseront 14 millions d’euros. À titre de comparaison, en Italie, les droits de retransmission télévisée sont de 945 millions d’euros, quand en France, ils sont de 607 millions d’euros (ils seront de 748,5 millions d’euros pour la période 2016-2020). En d’autres termes, à partir de 2016, les droits-télé, ensuite redistribués aux clubs professionnels, seront dix fois plus importants en Angleterre qu’en France. Or, à ce jour, l’écart est tel que le dernier de la Premier League perçoit déjà davantage que le premier de Ligue 1. Ce hiatus n’est pas récent. En 2004, un rapport n° 336 (Sénat 2003-2004) sur les problèmes liés au développement économique du football professionnel, rédigé au nom de la délégation du Sénat pour la planification, s’inquiétait de l’écart en matière de droits de retransmission audiovisuelle entre le championnat anglais et les autres championnats. Autrement dit, le risque de décrochage des différents championnats européens, notamment français, par rapport à la ligue anglaise est réel et ce, d’autant plus que les droits-télé structurent, de plus en plus, le chiffre d’affaires des clubs professionnels. L’écart grandissant nuit à leur attractivité et fragilise leur modèle de développement économique, à l’instar du Parme Calcio dont la faillite a été, tout récemment, prononcée. Ainsi, dans le cadre du « fair-play » financier, soutenu par la Commission européenne et instauré depuis 2011, une réflexion pourrait être menée avec l’Union des associations européennes de football (UEFA) et l’instance de contrôle financier des clubs (ICFC), afin d’encadrer, dans le respect des règles de concurrence, les droits-télé à l’échelle européenne. Par conséquent, elle lui demande la position du Gouvernement, ainsi que son avis sur la proposition précédemment émise au titre du principe d’équité sportive.

Réponse de M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports

À publier le : 13/05/2015, page 4799
Texte de la réponse : Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’orée de ce millénaire, la France remportait successivement la Coupe du monde et le Championnat d’Europe de football. Les clubs de l’élite se montraient particulièrement compétitifs sur la scène européenne, attirant de nombreux joueurs du gotha international, conséquence partielle de l’arrêt Bosmanrendu par la Cour de justice des Communautés européennes en 1995.Aujourd’hui, la situation des clubs professionnels français est nettement plus contrastée. Pour la plupart, les marges de manœuvre budgétaires se sont considérablement réduites, influant directement sur les résultats sportifs. Pour preuve, en dix ans, la France a perdu deux places à l’indice UEFA, passant de la quatrième à la sixième place.Si la diminution des ressources financières a pu avoir des externalités positives, favorisant l’émergence de nouvelles politiques de développement axées sur la formation, par exemple, il n’en demeure pas moins vrai que, dans leur ensemble, les clubs professionnels ont perdu en compétitivité à l’échelle européenne.Ce phénomène s’explique, dans une certaine mesure, par le décrochage croissant observé en matière de droits de retransmission audiovisuelle entre le championnat français et la majorité des principaux championnats européens, en particulier le championnat anglais. De 607 millions d’euros actuellement pour la Ligue 1, ils seront de 748,5 millions d’euros pour la période 2016-2020. Ils atteindront 945 millions d’euros pour la série A en Italie et culmineront à près de 7 milliards d’euros pour la Premier League anglaise de football, pour les saisons de 2016 à 2019. En d’autres termes, à partir de 2016, les droits de retransmission télévisée, qui constituent un peu plus de la moitié du chiffre d’affaires des clubs européens en moyenne, seront dix fois plus importants en Angleterre qu’en France.Or, l’écart est d’ores et déjà abyssal puisque le dernier de la Premier League perçoit pratiquement deux fois plus que le premier de la Ligue 1. Avec l’entrée en vigueur des nouveaux contrats, le risque est donc que le décrochage entre les clubs européens et anglais ne s’accentue au point de porter éventuellement préjudice à l’intérêt sportif des compétitions européennes.C’est pourquoi, dans le cadre du « fair-playfinancier », règle de bonne gestion financière soutenue par la Commission européenne et mise en œuvre à partir de la saison 2011-2012 au titre de l’équité sportive, une réflexion pourrait être conduite avec l’Union des associations européennes de football, l’UEFA, afin d’encadrer et d’harmoniser les règles relatives aux droits de retransmission audiovisuelle du football. S’il ne saurait bien sûr être question de porter atteinte à la libre concurrence sur le plan économique, il s’agit de renforcer la concurrence sur le plan sportif.

Je souhaite par conséquent connaître la position du Gouvernement quant à cette initiative. De plus, quelles mesures sont-elles préconisées pour développer l’attractivité du championnat français et des clubs professionnels, lequel a une incidence mécanique sur les droits de retransmission télévisée ?

  1. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
  2. Thierry Braillard,secrétaire d’État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Madame la sénatrice, je dois relever une omission dans votre question. En citant les grandes victoires françaises, vous avez oublié 1993 et la victoire en ligue des champions de l’Olympique de Marseille, seul club français à avoir gagné cette compétition. Je me devais, devant le président Jean-Claude Gaudin, de relever cette légère erreur !(Sourires.)

Mme Sylvie Robert. Vous avez bien fait !

  1. le président. Vous êtes déjà pardonnée, ma chère collègue !(Nouveaux sourires.)
  2. Thierry Braillard,secrétaire d’État. Vous appelez mon attention sur l’écart croissant des droits de retransmission audiovisuelle du football entre les principaux championnats européens et la Premier Leagueanglaise, conséquence du contrat assez faramineux que cette dernière vient de signer. Cette situation, qui est préoccupante – vous l’avez très bien exprimé – pose la question de l’équité dans une compétition entre des clubs qui n’auront pas la même position sur la ligne de départ.

Je rappelle tout d’abord que la solution à ce problème ne peut être réglementaire quand bien même cette réglementation serait européenne. En effet, si la Commission européenne est intervenue à plusieurs reprises à titre préventif sur la vente des droits d’exploitation audiovisuelle dans le sport, c’est essentiellement pour s’assurer de la portée concurrentielle de ces transactions. Il paraît donc difficile qu’elle puisse intervenir afin de limiter la marge de manœuvre des titulaires des droits en matière de fixation des prix.

De plus, une telle intervention serait considérée comme une entrave à la concurrence. En effet, l’acquisition des droits télévisuels est étroitement liée aux marchés de la télévision en aval. Si la Ligue 1 française a pu multiplier par six depuis 1998 ses droits de diffusion, c’est en grande partie par le jeu de la concurrence entre acteurs télévisuels, notamment par l’émergence d’un nouvel acteur sur ce marché, la chaîne beIN SPORTS.

Les solutions sont donc à rechercher ailleurs. Comme vous le suggérez, c’est au sein de l’UEFA que pourrait être menée une réflexion en vue de permettre une meilleure mutualisation des produits issus de la vente des droits télévisuels des compétitions de clubs organisées par l’UEFA, produits qui se sont élevés, au titre de l’année 2013-2014, à près de 1,347 milliard d’euros. Ce serait un élément tout à fait intéressant du « fair-playfinancier » que de contrebalancer certaines inégalités territoriales.

En ce qui concerne la Ligue 1, la première condition à la fois de l’augmentation des droits télévisés et de la diversification des ressources du football professionnel est l’amélioration de son attractivité. En effet, il ne suffit pas d’être compétitif, encore faut-il être attractif.

Ainsi, dans la loi de finances pour 2015, le Parlement, sur proposition du Gouvernement, a substitué à la taxe sur les spectacles, qui nuisait à la compétitivité du sport professionnel, une TVA à taux réduit. De même, certaines contraintes pesant sur l’affichage publicitaire dans les enceintes sportives sont en train d’être levées dans le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

J’ajoute que les différentes mesures fiscales engagées par le Gouvernement pour renforcer la compétitivité de nos entreprises bénéficient également aux clubs professionnels.

Ce travail doit être poursuivi. Je sais que la Ligue nationale de football professionnel travaille sur cette question. Je vais d’ailleurs vous faire une confidence, j’ai moi-même saisi le président Michel Platini des inégalités qui se créent aujourd’hui par rapport non seulement aux droits audiovisuels, mais aussi aux diverses règles fiscales applicables aux différents clubs selon le pays qu’ils représentent. Peut-être des coefficients de péréquation pourraient-ils permettre de répondre à votre préoccupation. Ce travail doit être poursuivi, notamment via l’encouragement de l’appropriation par les clubs du formidable levier de développement que constituent les stades.

  1. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour votre réponse étayée. Je suivrai très attentivement l’évolution de cette réflexion.