Huit femmes politiques influentes à Rennes et au-delà

Le Mensuel de Rennes

Publié le 13 avril 2022 à 06h00

 

Dans son dossier sur les femmes de pouvoir, Le mensuel de Rennes dresse le protrait de celles qui s’engagent à travers la politique.
Dans son dossier sur les femmes de pouvoir, Le mensuel de Rennes dresse le portrait de celles qui s’engagent à travers la politique. (Télégramme/Claude Prigent)

Dans son dossier sur les femmes de pouvoirs, Le Mensuel de Rennes dresse les portraits de celles qui s’engagent dans le monde politique.

La patronne libérée

Nathalie Appéré, maire de Rennes et présidente de la Métropole.
Nathalie Appéré, maire de Rennes et présidente de la Métropole. (David Brunet/Le Mensuel de Rennes)

« Le pouvoir se gagne. Il ne se partage pas ». La maire de Rennes goûte cette maxime chère à Jean-Yves Le Drian depuis le 28 juin 2020 à 21h32. À l’heure où elle déclarait sa victoire à un second mandat, Nathalie Appéré savait qu’elle n’aurait plus à partager le pouvoir. Ni à Rennes, ni à la Métropole, cette puissante collectivité dont la présidence lui échappait depuis 2017.

Nathalie Appéré a pris les rênes de la capitale bretonne en 2014, à 39 ans. La « patronne » a mis un mandat à se libérer de ses entraves. Celles que lui valaient sa loyauté à une majorité hollandaise crépusculaire de 2014 à 2017, lorsqu’elle cumulait ses mandats d’édile et de député. Celles qui faisaient peser « l’ombre » de ses « mentors » : Jean-Yves Le Drian, désormais passé dans l’autre camp, Edmond Hervé, « rangé des voitures »…

En 2020, Appéré a été réélue avec le plus haut score obtenu par la gauche depuis 1977, aiment rappeler ses proches, en jetant un voile pudique sur l’abstention record et le calendrier inédit d’un scrutin coupé par une pandémie mondiale… Il n’empêche. Cette victoire indiscutable a validé son « cheminement ». De son rejet de la macronie à sa « conversion » à la social-écologie, en passant par sa stratégie d’alliance avec les écologistes : subie en 2014, maîtrisée six ans plus tard.

Certes, depuis 2020, la maire et son groupe ne disposent pas de la majorité au sein de leur… majorité (Voir l’enquête sur « la nouvelle gauche rennaise du Mensuel octobre 2021). Pourtant, le nombre de « couacs » s’est sensiblement réduit comparé au début du premier mandat. Appéré a instauré de nouvelles règles. Les élus ont acquis des habitudes. Et leurs rapports politiques se sont pacifiés depuis qu’ils sont dans le même camp : l’opposition à Emmanuel Macron.

Retardé, l’achèvement de la ligne B tarde à solder « l’héritage », cette ultime tutelle, qui cantonnait Appéré au rôle de simple « exécutrice testamentaire » des projets de ses aînés. Huit ans après sa première élection, la maire écrit sa propre partition, en commençant à voir se matérialiser certains gros programmes lancés lors du premier mandat dans les quartiers.

Le 28 juin 2020, Appéré soldait le passé. Sa victoire lui permettait aussi de se projeter. « Rennes est à l’avant-poste d’une force de gauche sur laquelle il va falloir compter », assurait-elle. Deux ans après, elle ferraille aux côtés d’Anne Hidalgo. Face à la défaite de sa candidate, Nathalie Appéré appelle à refonder la gauche. Et à miser d’abord sur le pragmatisme développé au niveau local.

Du rêve à la réalité

Carole Gandon, cheffe de file de l'opposition LREM à Rennes.
Carole Gandon, cheffe de file de l’opposition LREM à Rennes. ( Lionel Le Saux/Le Mensuel de Rennes)

En 2018, une amie la décrivait comme une « rêveuse », que « la réalité pouvait parfois brutalement rattraper ». En 2018, Carole Gandon rêvait de conquérir Rennes. Depuis juin 2020, elle découvre les affres d’un premier mandat à la tête d’un groupe d’opposition. La réalité a-t-elle rattrapé la marcheuse ? C’est d’abord la pandémie et la politique politicienne qui semblent la frapper. La première a compliqué le début de mandat. La seconde « consterne » l’intéressée, cible « d’attaques systématiques » de la part de la majorité. Un « Macron bashing devenu sport municipal », qui exacerbe, selon elle, les vrais dangers : l’abstention des jeunes et l’extrême droite.

Politiquement, Carole Gandon doit se faufiler entre une gauche aux manettes et une droite campée sur ses thèmes de prédilection. Sa recette ? Tenter, sans succès, d’être « proposante plutôt qu’opposante ». Tous ses amendements ont été retoqués. « Je me console en constatant que le projet des quais de Vilaine ressemble furieusement à celui que nous avons porté pendant la campagne », explique celle qui est, dans le « civil », conseillère de la ministre de la Ville. Une activité suspendue le temps d’un congé maternité. Pour Carole Gandon, avril promet d’être « un mois plein de promesses » à plusieurs titres.

Drapeau rouge

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Dominique Besson-Milord, secrétaire générale CGT 35 (Jeremias Gonzalez)

Nous sommes en septembre 2021. Devant la salle de la Cité, une moustache reconnaissable entre mille. Philippe Martinez est venu en personne participer à l’assemblée générale de ses camarades d’Ille-et-Vilaine. Le grand raout se tient dans le célèbre bâtiment rennais, récemment refait à neuf. « Un lieu de mémoire ouvrière, syndicale et culturelle », rappelle une femme, présente aux côtés du leader de la CGT. Son nom : Dominique Besson-Milord. Figure peu connue et pourtant importante dans le milieu syndical, elle est secrétaire générale de l’Union départementale depuis novembre 2018.

En cette rentrée, la syndicaliste prépare deux journées d’action, dont une, début octobre, contre la précarité et pour l’augmentation des salaires. La manifestation rassemblera 2 000 personnes. Affluence modérée pour un syndicat en perte de vitesse. Consciente de la nécessité de le redynamiser, Dominique Besson-Milord s’est donnée pour mission de féminiser et de rajeunir les troupes. Syndiquée à la CGT depuis les années 90, la sexagénaire est infirmière de formation. Entre autres faits d’armes : la création d’une antenne de la CGT dans son hôpital, à Fougères, et vingt ans de militantisme en Ille-et-Vilaine.

La Verte qui monte, qui monte…

PHOTO Lionel Le Saux / LE TELEGRAMME. MORLAIX (29) : Gaëlle Rougier Campagne municipale Rennes EELV Les Verts
Gaëlle Rougier, adjointe à l’éducation à Rennes. (Lionel Le Saux/Le Mensuel de Rennes)

« On est à la manœuvre à la culture, à la citoyenneté, aux mobilités, aux transports… », énumère Gaëlle Rougier sur la scène. À ses côtés, ce 8 février, Yannick Jadot, le candidat écologiste à la présidentielle, en meeting dans la capitale bretonne. « Aujourd’hui, nous sommes une trentaine d’élus à des postes clés ». La Rennaise est bien placée pour le savoir. En juillet 2020, après les municipales, Gaëlle Rougier est devenue adjointe à l’éducation, l’une des principales compétences de la municipalité. Dernière étape d’un parcours qui l’a menée de conseillère régionale d’opposition, en 2010, à la 3e place dans l’ordre protocolaire de la municipalité, juste derrière la maire Nathalie Appéré et son premier adjoint.

Ira-t-elle encore plus loin ? Certains militants la voient bien concourir un jour pour l’hôtel de ville. Une hypothèse encore lointaine. Dès les prochains mois, une autre bataille politique se profile : Gaëlle Rougier est donnée candidate dans la 8e circonscription d’Ille-et-Vilaine. Jusqu’ici, les législatives ne lui ont pas porté chance. Elle a été battue à deux reprises, en 2012 et 2017. Cette fois, les bons scores des écologistes aux derniers scrutins sur Rennes peuvent lui donner quelques raisons d’y croire.

LMM trace sa route à l’Assemblée

Laurence Maillart-Méhaignerie, députée d’Ille-et-Vilaine
Laurence Maillart-Méhaignerie, députée d’Ille-et-Vilaine (Lionel le Saux/Le Mensuel de Rennes)

On a connu des débuts de mandat plus sereins. À l’origine, en 2017, l’investiture du parti présidentiel ne lui est même pas promise. C’est un parachuté, proche d’Emmanuel Macron, qui doit atterrir dans la 2e circonscription d’Ille-et-Vilaine. L’intéressé jette finalement l‘ éponge face à la bronca des militants locaux. Eux poussent pour une personnalité issue de leur rang, dont les Rennais n’ont pas encore beaucoup entendu parler : Carole Gandon. Mais, magie des accords d’appareil, c’est finalement Laurence Maillart-Méhaignerie qui obtient le soutien d’En marche aux législatives. S’en suit une éclatante victoire – 74 % des voix – portée par le tsunami macroniste dans le département.

Chez les marcheurs rennais, l’épisode ne lui vaut pas que des amis. Certains lui reprochent d’avoir « volé » l’investiture, grâce à des soutiens haut placés. En 2019, son inimitié avec Carole Gandon éclate au grand jour. Cette fois, c’est la perspective des municipales qui agite la macronie rennaise. La députée s’imagine « prendre sa part dans cette élection », laissant planer des doutes sur une candidature à la mairie. Hors de question, fait savoir l’entourage de l’autre marcheuse, qui construit alors sa propre campagne. Depuis, l’affaire semble s’être calmée. Le flot de petites phrases assassines distillées en « off » s’est (un peu) tari. Et Laurence Maillart-Méhaignerie trace sa route à l’Assemblée.

Certes, ce n’est pas la députée d’Ille-et-Vilaine la plus médiatique. Le titre revient sans hésiter à Florian Bachelier, son homologue marcheur de la 8e circonscription, habitué notamment des plateaux de Cnews. Il n’empêche : Laurence Maillart-Méhaignerie a peu à peu réussi à se ménager une place dans le paysage politique local. Grâce, notamment, à son élection à la présidence de la commission parlementaire du développement durable, en octobre 2020. Un poste laissé vacant par Barbara Pompili, nommée au ministère de l’Écologie. C’est elle, aussi, qui a été chargée de déminer la loi « Climat et résilience » en mars 2021. Avant de prendre la direction de Glasgow, quelques mois plus tard, en tête de la délégation de députés à la Cop 26.

Contrairement à nombre de ses collègues, LMM n’a pas découvert la politique au Palais Bourbon. La quinquagénaire a travaillé pendant huit ans au conseil régional, avant de se présenter aux européennes de 2014 puis aux régionales de 2015 sous l’étiquette UDI-Modem. Elle est proche de Pierre Méhaignerie, ancien garde des Sceaux et baron de la politique bretillienne, dont elle a épousé le neveu. Candidatera-t-elle à sa propre succession, en juin prochain ? Probable même si, pour l’heure, ses intentions n’ont pas été officialisées.

La loi du même nom

Sylvie Robert
Sylvie Robert, sénatrice. (Vincent Michel/Le Mensuel de Rennes)

Le pouvoir, Sylvie Robert connaît de près. Et depuis longtemps. En 1989, à 25 ans seulement, elle est élue au conseil municipal de Rennes. Elle le sera sans discontinuer jusqu’aux dernières élections municipales de 2021, absente, cette fois, de la liste de Nathalie Appéré, dont elle est proche. À l’Hôtel de ville, cette socialiste pur jus a touché à tout : les échanges internationaux, la politique éducative, la culture, la communication… On l’a aussi connue bras droit de Jean-Yves Le Drian, entre 2010 et 2014. Un mandat de 1re vice-présidente dont elle a dû démissionner pour respecter la loi sur le non-cumul. Depuis, elle arpente les couloirs du palais du Luxembourg, où elle a été reconduite, il y a deux ans.

La sénatrice d’Ille-et-Vilaine peut désormais ajouter une autre ligne à son CV : une loi porte son nom. En décembre, sa proposition de texte a été définitivement adoptée par le Parlement. Elle garantit, notamment, la gratuité et l’accès libre de tous les publics aux 16 000 bibliothèques de l’Hexagone. « C’est la reconnaissance de l’importance de ces équipements culturels dans notre pays, qui n’avaient jamais fait l’objet d’une loi », se félicite Sylvie Robert.

Une Rennaise à Strasbourg

PHOTO Vincent Michel / Le Mensuel de Rennes. RENNES (35): Elections regionales Juin 2021 Marie-Pierre Vedrenne
Marie-Pierre Vedrenne, députée européenne. (Vincent Michel/Le Mensuel de Rennes)

Rien n’arrête plus Marie-Pierre Vedrenne, encore inconnue il y a trois ans. Aux élections européennes de 2019, la voici propulsée à la troisième place de la liste nationale d’En marche. Le parti présidentiel arrive deuxième du scrutin, derrière le RN. Ce qui n’empêche pas la centriste d’être élue. Depuis, à seulement 39 ans, elle accumule les postes d’influence : vice-présidente à Strasbourg de la commission du commerce international, cheffe de file de la délégation des marcheurs au parlement de l’UE, coordinatrice en Bretagne du Modem, conseillère régionale…

De quoi faire (presque) oublier le couac des législatives de 2017. Le lundi 15 mai, elle était investie par la future majorité présidentielle sur la 6e circonscription. Le vendredi, l’étiquette lui était retirée. Officiellement, En marche refusait son absence pendant les derniers jours de campagne. La trentenaire était attendue à Washington, seule Française sélectionnée par le département d’État américain pour un programme d’échange. Officieusement, le parti cherchait sans doute à recaser une candidate, écartée d’une autre circonscription d’Ille-et-Vilaine… Loyale, et sans doute pour ne pas insulter l’avenir, Marie-Pierre Vedrenne s’est retirée sans esclandre.

Au vu de son parcours, sa place était plus dans les institutions de l’UE qu’à Paris. Cette juriste, spécialisée dans le droit continental, a intégré, en 2011, la Maison de l’Europe à Rennes. C’est Jeanne-Emmanuelle Hutin, présidente de ce centre d’information pour le grand public, qui l’a recrutée, d’abord en tant que chargée de mission. Avant de la nommer directrice, en 2016. Trois ans après, Marie-Pierre Vedrenne démissionnait pour se consacrer à son mandat. « Je vous avoue que j’ai encore un peu de mal à réaliser que je viens d’être élue », confiait-elle, le soir de son élection.

L’Américaine qui parle aux Armoricains

Elizabeth Webster, consul des Etats-Unis pour le Grand Ouest.
Elizabeth Webster, consul des Etats-Unis pour le Grand Ouest. (Le Télégramme/Philippe Créhange)

L’affaire des sous-marins australiens a éclaté un mois après qu’Elizabeth Webster a pris ses fonctions de consule des États-Unis à Rennes, en août dernier. L’annulation abrupte d‘ une commande de douze sous-marins français par l’Australie a touché-coulé les relations entre les deux côtés de l’Atlantique. Joli cas de crise diplomatique pour la consule, originaire de Blairstown dans le New Jersey. Elle s’est voulue rassurante dans les colonnes du Télégramme : « Il y a beaucoup de questions pour lesquelles nous sommes d’accord, beaucoup d’autres où nous discutons et nous avons aussi quelques différences. Mais notre amitié doit nous permettre de trouver la bonne méthode de travail ».

À la tête d’un des cinq consulats américains en France, le champ d’action d’Elizabeth Webster couvre les régions côtières de Bretagne, de Normandie et des Pays de la Loire. Autant d’occasions d’aller « down the shore » quand ses responsabilités le lui permettent… C’est-à-dire, pas souvent. Le travail du consulat va en effet bien plus loin que de venir en aide aux touristes américains ayant perdu leur passeport. Il dispense des conseils à qui veut faire des affaires dans l‘ Hexagone, soutient des actions culturelles… Tout ce qui permet de promouvoir les intérêts de la bannière étoilée. Ainsi, chaque année, le consulat recherche et sélectionne les leaders de demain et leur organise un voyage aux États-Unis. Ses membres ne s’interdisent pas non plus de faire un peu d’intelligence économique, surtout auprès des chantiers navals voisins.

Au gré de ses affectations, Elizabeth Webster a roulé sa bosse en Hongrie, au Kazakhstan, au Turkménistan et aux Émirats arabes unis. Cette polyglotte a étudié le français, l’espagnol, le hongrois et le russe. Elle a obtenu une licence d’histoire et de littérature anglaise à l’université Dartmouth (New Hampshire), ainsi qu’un doctorat en droit à Marshall-Wythe (Virginie). À Washington, elle a été chargée de mission pour les relations Otan-Russie au sein du Bureau des affaires européennes et eurasiatiques. Les tensions liées à la guerre entre la Russie et l’Ukraine doivent rappeler quelques souvenirs à cette spécialiste des relations internationales.