INTERVENTION PLF 2025
Mission Médias, Livre, Industries Culturelles et Audiovisuel Public
(9 minutes)

Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,

En ce début d’année, nous nous retrouvons à un moment inédit pour poursuivre l’examen des missions du PLF 2025. Si nous continuons de naviguer à vue, avec la certitude de l’incertitude, la mission livre, médias et industries culturelles ainsi que les avances à l’audiovisuel public recouvrent plusieurs enjeux substantiels qu’il nous faut aborder.

Le premier porte sur les médias de proximité et la vitalité de la vie démocratique locale, à travers le financement des radios associatives. En effet, dans son épure originelle et actuelle, le PLF 2025 prévoit une baisse historique de 30% des moyens alloués au Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) -soit près de 11 millions d’euros. Rappelons que le FSER sert à financer les 770 radios associatives locales qui maillent nos territoires.

Or, celles-ci sont des plateformes d’expression pour les citoyens, participent du lien social dans les territoires et portent une attention aigüe à la jeunesse, en œuvrant contre la désinformation et en menant des opérations d’éducation aux médias, qui se révèlent indispensables dans le contexte géopolitique actuel, marqué par une déstabilisation et une ingérence permanentes.

Alors, Madame la ministre, vous avez décidé de revenir sur cette décision et de réintégrer les 10 millions d’euros au FSER. C’est une heureuse nouvelle que je salue. Je vous proposerai d’aller un peu plus loin en réintégrant également l’aide aux podcasts, supprimée en 2024, et qui s’avère pourtant essentielle pour soutenir ce secteur en pleine croissance.

En revanche, je m’inquiète quelque peu de la « rationalisation » des critères qui ouvrent droit au FSER, que vous avez évoquée à l’Assemblée nationale, et qui fait craindre, de fait, une diminution du nombre de bénéficiaires dans les années à venir. Pourriez-vous nous préciser les modalités de cette « rationalisation » ? Vous engagez-vous à ne pas appauvrir le tissu des radios associatives locales en établissant des critères trop restrictifs ?

Enfin, toujours sur le volet radio, je souhaiterais saluer le travail de l’Arcom qui a rendu un passionnant Livre blanc sur la radio l’été dernier. Parmi les chevaux de bataille du régulateur, le déploiement du Dab+ occupe une place de choix. En particulier, il appelle à un portage politique beaucoup plus affirmé de la part de l’État et à l’instauration d’un accompagnement financier à destination des acteurs radiophoniques pour les aider temporairement, et sous conditions, à la double diffusion.

Par conséquent, envisagez-vous de créer cet accompagnement, Madame la ministre ? Je tiens aussi à vous alerter sur la nécessité de venir en appui aux collectivités territoriales qui se trouveraient dans une zone blanche -couvertes ni par la FM ni par le Dab+- ou qui observeraient un déploiement du Dab+ très peu équilibré sur leur territoire. Réussir le virage du Dab+ implique de garantir un accès universel à cette technologie qui ne doit pas devenir un nouvel étendard de l’inégalité d’accès à la Culture et à l’Information.

Le deuxième enjeu majeur que j’évoquais en introduction a trait à l’information et aux aides à la presse, marronnier qui semble intangible d’année en année, malgré les griefs recensés. Pour autant, en 2025, le contexte est singulier suite à la publication des conclusions des États généraux de l’Information (EGI). Sans appeler à une refonte totale, les EGI préconisent de les bonifier dès lors que les organes de presse ont des pratiques vertueuses, notamment :

  • en adoptant la qualité de « société à mission d’information » ;
  • ou en mettant en place des actions de formation des journalistes.

Dès 2022, notre assemblée appelait, dans son rapport sur la concentration des médias, à réformer les aides à la presse et à « réviser les conditions d’octroi des aides au pluralisme et à la modernisation en prenant en compte la situation financière des groupes auxquels les titres candidats sont rattachés », et ce, afin de mieux soutenir la presse indépendante. Y êtes-vous prête, Madame la ministre ? Ce point précis fera-t-il partie du projet de loi EGI ?

En tout état de cause, la baisse de 2,9% des crédits du programme 180, presse et médias, n’est pas un signal positif ; il est même contradictoire avec l’objectif politique affiché de moderniser le secteur de la presse, d’améliorer l’accès à une information sourcée et de qualité, de renforcer les exigences en matière de pluralisme et d’offrir de meilleures garanties statutaires et d’exercice aux journalistes.

Le troisième enjeu déterminant est celui de l’avenir de nos industries culturelles et de notre audiovisuel public. Tout d’abord, sur le Centre national de la musique, je me réjouis de l’adoption en première partie de l’amendement du Gouvernement qui permettra d’atteindre le rendement attendu de la taxe streaming -les 9,3 millions récoltés en 2024 étant malheureusement bien en-deçà de ce qui était escompté.

En revanche, le plafond de la taxe sur les spectacles devra être réhaussé en commission mixte paritaire -a minima à 55 millions d’euros-, sous peine de gravement porter préjudice au fonctionnement de l’opérateur. Le Gouvernement soutiendra-t-il la modification du plafond en vue de la CMP, Madame la ministre ?

Quant au Centre national du cinéma, la ponction supplémentaire imposée par la majorité sénatoriale, sous l’impulsion du rapporteur général, n’est pas soutenable. Aux 450 millions d’euros initiaux, le RG voulait y ajouter 200 millions d’euros ; finalement, ce sont 50 millions, soit 500 millions d’euros au total, qui seraient prélevés sur la trésorerie du CNC.

Ici, je tiens à rappeler que le CNC est intégralement financé par quatre taxes et n’est donc aucunement subventionné. Ainsi, une trésorerie aussi réduite exposerait l’établissement à un risque financier indéniable puisqu’au moindre aléa, le CNC serait dans l’incapacité d’honorer ses engagements à l’égard des différents bénéficiaires de ses aides. Madame la ministre, toujours dans la perspective de la CMP, le Gouvernement entend-il revenir sur cet assèchement supplémentaire de la trésorerie du CNC ?

Dans un environnement en perpétuelle mutation, le CNC est un pôle de stabilité, dont l’action structure l’ensemble de la filière, de la production à la diffusion -cf. l’aide à destination des circuits itinérants mise en place en 2024 par exemple. D’ailleurs, cette attention portée à la diffusion dans tous les territoires doit être érigée en priorité, dans la continuité de la PPL sénatoriale votée en 2023, qui, je l’espère, sera enfin inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Enfin, je terminerai avec l’audiovisuel public, dont les discussions autour de son financement et de sa gouvernance nous ont beaucoup occupés -et préoccupés- ces derniers mois. En premier lieu, nous pouvons nous réjouir collectivement d’avoir évité la budgétisation de l’audiovisuel public et d’être tombés d’accord sur la pérennisation de son financement via le versement d’une fraction du produit de la TVA.

En revanche, et c’est à cet endroit que nos désaccords commencent, le montant qui lui a été affecté en première partie, et que vous aggravez par votre amendement, Madame la ministre, ne nous convient absolument pas. L’économie supplémentaire de 100 millions d’euros imposée aux sociétés de l’audiovisuel public engendre un décrochage de près de 175 millions d’euros par rapport à la trajectoire prévue par le COM 2024-2028. C’est tout simplement inacceptable et révélateur de l’incapacité de l’État à être un partenaire fiable.

Cet état de fait n’est plus tenable : pour la première fois depuis près de dix ans, France TV, Radio France et France Médias Monde ont présenté un budget en déficit pour 2025, tirant la sonnette d’alarme sur leur situation budgétaire. C’est l’heure des choix, Madame la ministre : vous n’aurez pas de réforme de la gouvernance acceptable ni réussie sans octroyer des moyens prévisibles, tangibles, à l’abri de toute régulation, à l’audiovisuel public. L’un sans l’autre relève de l’illusion.

C’est pourquoi, je vous ai demandé, lors du Conseil national des professions du spectacle vivant qui s’est tenu mardi dernier, de présenter une étude d’impact de la PPL Lafon -pour connaître l’impact budgétaire, social, sur la création audiovisuelle etc. Vous vous y êtes engagée, c’est un premier pas.

Quoi qu’il en soit, toute réforme de la gouvernance doit avoir comme postulat la sauvegarde et l’accroissement des moyens alloués à l’audiovisuel public -soit précisément l’inverse de ce que vous êtes en train de défendre, Madame la ministre ! Comme à l’échelle de l’Union européenne, il est temps de considérer l’audiovisuel public comme un secteur stratégique et d’en tirer les conséquences en termes d’investissements. En aucun cas, la régression budgétaire est un chemin concluant, sauf à considérer que le terme de réforme n’est qu’un paravent pour signifier rabais. Et nous, nous ne voulons aucunement d’un audiovisuel public au rabais ! Ce sera sans nous !

En conséquence, notre groupe ne votera pas les avances à l’audiovisuel public, marquant ainsi sa vive opposition au montant qui lui est octroyé. En revanche, nous nous prononcerons en faveur des crédits de la mission livre, médias et industries culturelles, sous réserve du rétablissement complet du FSER.

Je vous remercie.