Commerce le dimanche. Le vote des députés En marche très critiqué en Ille-et-Vilaine

Le rejet par les députés de la majorité d’un amendement visant à encadrer l’ouverture des commerces le dimanche suscite de vives réactions de la part des élus locaux en Ille-et-Vilaine, de droite comme de gauche.

« Une occasion manquée » , selon le député UDI Thierry Benoît, qui « s’interroge sur les intentions réelles du gouvernement » . Comme lui, les élus locaux, toutes tendances confondues, se disent « stupéfaits » après le rejet d’un amendement visant à encadrer l’ouverture dominicale des grandes surfaces.

Des élus qui se mobilisent depuis des semaines pour défendre le repos des salariés du commerce, le dimanche et les jours fériés. Plusieurs rassemblements ont eu lieu, notamment devant le Carrefour Market de Chartres-de-Bretagne, près de Rennes.

Un amendement, adopté par le Sénat en première lecture et soumis vendredi à l’Assemblée nationale, visait justement à encadrer l’ouverture des moyennes et grandes surfaces le dimanche, en donnant un cadre légal aux accords locaux, comme celui qui existait dans le pays de Rennes, depuis 1997.

« Rejeté à la demande du gouvernement »

Or, les députés ont rejeté cet amendement, soumis dans le cadre du projet de loi Pacte. Le Pays de Rennes, la Région Bretagne et quatre intercommunalités d’Ille-et-Vilaine (Rennes métropole, Liffré-Cormier communauté, Pays de Châteaugiron, Val d’Ille Aubigné) ont réagi dans un communiqué commun. « Lors de l’examen en seconde lecture par l’Assemblée nationale, cet amendement a été rejeté par les députés, à la demande du gouvernement. »

Cora prévoit d’ouvrir en avril

Les élus locaux ne cachent par leur « stupéfaction » et dénoncent « un très mauvais signal adressé par le gouvernement  » . Pour eux, c’est « une atteinte à la revitalisation des centres bourgs et centres-villes  » . Avec ce vote, « les décisions unilatérales d’ouvertures dominicales de moyennes et grandes surfaces alimentaires vont se généraliser  ».

À l’image de l’hypermarché Cora, à Pacé, qui prévoit d’ouvrir lui aussi le dimanche à partir d’avril. « La direction a demandé aux salariés de donner leurs disponibilités. A priori, le magasin ouvrirait à partir du 14 avril  » , confirme Cyrille Lechevestrier, délégué CFTC chez Cora, qui regrette bien sûr cette décision. « Cela ne se fait pas du tout sur la base du volontariat et il n’y aura aucune embauche ! Parmi les salariés, il y a des femmes élevant seules leurs enfants et qui n’ont aucune solution pour les faire garder. Tout ça pour gagner 7 ou 8 € de plus. »

Au mois d’octobre dernier, déjà, l’enseigne avait annoncé son intention d’ouvrir le dimanche. Le personnel avait manifesté à plusieurs reprises devant l’hypermarché.

Le directeur du magasin, « dans un souci d’apaisement » , avait finalement reporté sa décision d’ouvrir… à fin mars. Contacté ce lundi, il n’a pas donné suite à nos sollicitations.

La vie familiale des salariés

«C’est notre cohésion sociale, la vie personnelle et familiale des salariés, la vie associative qui sont menacées, estiment de leur côté les élus locaux. Le travail réalisé par les élus locaux, les partenaires sociaux et les acteurs du commerce, depuis de longues années, est remis en cause. Le gouvernement et sa majorité en portent la responsabilité. »

Le député UDI Thierry Benoît, présent le dimanche 10 mars devant le Carrefour Market de Chartres-de-Bretagne, regrette lui aussi la position du gouvernement. « Ce texte visait à réguler le travail du dimanche en s’appuyant sur les accords locaux négociés par les syndicats de salariés, les employeurs et les élus, accords qui existaient depuis longtemps. » Thierry Benoît s’interroge « sur les intentions avouées ou non avouées » du gouvernement de préserver le repos dominical, « auquel (il est) très attaché ». « Le travail le dimanche doit rester une exception ! »

Jean-Louis Tourenne, sénateur socialiste d’Ille-et-Vilaine, est à l’origine, avec sa collègue sénatrice Sylvie Robert, du texte adopté par le Sénat et retoqué par les députés. « Il s’agissait de combler un vide juridique et surtout de préserver les petits commerces de proximité qui maillent si utilement notre territoire et nos villes. Hélas, la majorité LREM de l’Assemblée nationale vient, à la demande du gouvernement, de revenir sur la latitude donnée aux grandes et moyennes surfaces de faire ce qu’elles veulent. Ce sont tous les efforts d’aménagement du territoire, toute l’existence de nos commerces de proximité qui se trouvent fragilisés. »

La position des députés LREM

Laurence Maillart-Méhaignerie, députée En Marche d’Ille-et-Vilaine, était absente de l’hémicycle, vendredi, lors du vote. « J’aurais aimé que ce texte soit adopté, assure-t-elle cependant.  Le gouvernement a souhaité se donner du temps et c’est dommage. »

L’élue affiche sa loyauté avec la majorité à laquelle elle appartient. « Un groupe de travail est chargé d’évaluer les résultats de la loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. C’est dans ce cadre que la question de l’ouverture dominicale sera à nouveau examinée. »

En revanche, la députée a déposé de son côté un autre amendement, cosigné par trois autres députés marcheurs d’Ille-et-Vilaine (François André, Gaël Le Bohec, Christine Cloarec) visant à « rétablir l’amendement proposé par le Sénat  » . Comprenne qui pourra…

Florian Bachelier (LREM) avait, dès jeudi dernier, expliqué sa position : « La loi Pacte n’est pas le meilleur véhicule pour travailler le sujet de l’ouverture dominicale des commerces dans toute sa complexité. Les amendements qui ont pu être présentés au Sénat sur la question du travail dominical, ou qui seront présentés à l’Assemblée nationale, demeurent juridiquement trop fragiles pour en assurer leur efficacité et nécessitent une concertation approfondie de tous les acteurs. »

Le député entend plutôt s’appuyer sur les résultats de l’évaluation de la loi Macron, confiée à un groupe de parlementaires.

Ouest-France Laurent LE GOFF
Publié le