Intervention en séance publique du 18 mai 2021 (après-midi)
Projet de loi Gestion de la sortie de crise sanitaire Discussion générale

Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Le célèbre mot de Winston Churchill à propos de la démocratie semble parfaitement transposable au passe sanitaire : le passe sanitaire « est un mauvais système, mais il (peut-être) le moins mauvais de tous les systèmes » afin de concilier notre aspiration unanime à retrouver davantage de liberté avec la prise en compte d’impératifs sanitaires. En ce sens, il revient à se confronter à la dialectique permanente entre liberté et responsabilité, sans tomber dans l’écueil du manichéisme.

Ainsi, le caractère a priori nécessaire du passe sanitaire, lequel s’inscrit dans une perspective européenne, ne signifie aucunement que le Parlement a à accorder son blanc-seing au Gouvernement sur ses modalités de mise en œuvre. La fin ne justifie pas les moyens. Surtout, eu égard à son caractère inédit et attentatoire aux libertés publiques, comme le relève l’avis du conseil scientifique notamment, les conditions de son application conditionnent son acceptabilité et, partant, le soutien ou le rejet de notre groupe politique au dispositif.

Pour l’exprimer clairement, soit l’exécutif accepte d’encadrer beaucoup plus les dispositions relatives au passe sanitaire dans cette loi, et nous pourrions en approuver son principe ; soit vous refusez et restez arc-boutés sur la version chétive et insuffisante de l’Assemblée nationale, et alors, nous voterions contre sans ciller. Dans cette hypothèse, vous porteriez, seuls, l’entière responsabilité de cet échec.

Dès lors, nous avons proposé de multiples amendements pour encadrer strictement l’utilisation du passe sanitaire et avons établi plusieurs priorités :

  • premièrement, l’inscription, dans la loi, de la jauge à partir de laquelle le passe sanitaire sera requis, fixée à 1000 personnes en intérieur et à 5000 en extérieur, l’objectif étant d’exclure explicitement les activités dites du quotidien -fidèlement à l’une des recommandations de la CNIL ;
  • deuxièmement, le renforcement des garanties apportées en matière de protection des données personnelles et l’évaluation du passe sanitaire ;
  • troisièmement, des mesures visant à éviter toute forme de rupture d’égalité entre les personnes, bien qu’il faille souligner que la lenteur initiale de la campagne de vaccination discrimine évidemment les jeunes, déjà durement frappés par la crise. Le passe sanitaire aurait dû être l’aboutissement d’une stratégie vaccinale ouverte à toutes et tous ; il n’en est que concomitant, si bien que cet été, les jeunes pâtiront encore de vos arbitrages ainsi que du retard pris dans la vaccination.

Vous l’aurez compris, comme les professionnels des secteurs à l’arrêt depuis plus d’un an maintenant -je pense singulièrement aux mondes culturels, sportifs et de l’évènementiel, nous attendons des précisions et un encadrement législatif vigoureux du passe sanitaire, sans lesquels nous nous y opposerons.

N’oublions pas non plus que la traduction opérationnelle de ce dispositif interroge très fortement, en particulier les organisateurs d’évènements. En effet, les lourdes contraintes menacent leur tenue, tandis que les problématiques concrètes sans réponses demeurent légion : quelle est précisément leur responsabilité ? Quel soutien logistique et/ou financier ? Quelle articulation et quelle cohérence d’ensemble avec d’autres impératifs, sécuritaires par exemple ? Le risque d’asphyxier ces organisateurs est réel.

« La vérité, c’est que la liberté n’est précieuse qu’aux yeux de ceux qui la possèdent effectivement », Simone Weil.

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Je vous remercie.