Communiqué de Presse du Groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain

Paris, le 15 juin 2023

Notre proposition de loi pour garantir l’accès au cinéma dans les outre-mer fait l’unanimité au Sénat

Le Sénat a adopté à l’unanimité le texte défendu par les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) dans le cadre de leur niche parlementaire, visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outremer. Une belle victoire qui mérite d’être confirmée dans la suite des débats parlementaires.

Dans nos territoires ultra-marins, l’offre culturelle repose souvent sur des acteurs fragiles qui se battent pour faire vivre la culture au quotidien. La préservation de l’accès à la culture y est primordiale, et en particulier au cinéma, qui reste un loisir relativement accessible dans des territoires où la vie chère pénalise fortement le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Depuis plus d’un an, les salles de cinémas ultramarines doivent affronter une offensive commerciale coordonnée de la part des principaux distributeurs. Ces multinationales puissantes ont entrepris d’augmenter brutalement les taux de location que les cinémas leur reversent : ils pourraient atteindre 50 % prochainement, alors que leur niveau était historiquement fixé à 35 % dans ces territoires.

Une telle augmentation serait inaccessible pour les exploitants de salles, encore durement touchés par les conséquences de la crise du covid. Elle conduirait inévitablement à la fermeture de plusieurs établissements, laissant des territoires entiers sans cinémas, conduisant à une nouvelle fragilisation de l’offre culturelle ultramarine.

Il y a urgence à agir. Quand le marché ne permet pas de trouver une solution satisfaisante en matière culturelle, c’est à la puissance publique d’intervenir. La proposition de loi défendue par le groupe SER vise à plafonner les taux de location en outre-mer à leur niveau historique de 35 %.

Les sénatrices et sénateurs du groupe SER se réjouissent de l’adoption à l’unanimité de cette proposition de loi qui permettra aux exploitants de salles de se développer tout en maintenant un prix de ticket abordable. Ils espèrent que l’examen de ce texte se poursuivra au Parlement pour une mise en application rapide.

INTERVENTION PPL CINEMA OUTRE-MER (6 MINUTES)

Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,

Hélas, il est assez rare de parler cinéma dans notre hémicycle ; et il est tout aussi rare de parler outre-mer. La présente proposition de loi a ainsi l’immense mérite d’allier les deux : parler de cinéma en outre-mer.

Cependant, j’aurais préféré que ce soit à une autre occasion, cette PPL représentant une dernière chance de sauvegarder l’exploitation cinématographique en outre-mer. Je ne vais pas revenir sur ce que j’ai développé en tant que rapporteure, mais la situation est périlleuse, dans un contexte de reprise post-covid.

Au fond, quel est l’objet de cette proposition de loi ? De préserver l’exploitation cinématographique ultra-marine me répondrez-vous. Mais par-delà, quelle finalité légitimerait une intervention du législateur dans la relation entre le distributeur et l’exploitant ? Tout simplement, celle de garantir l’accessibilité des populations ultra-marines au cinéma et, partant, à un des piliers de la culture et de l’art français.

Certains aiment à penser que le législateur affectionne de se mêler de tout ; à titre personnel, je crois surtout qu’il intervient par nécessité et qu’il conduit l’Etat à assumer le rôle essentiel qui est le sien aujourd’hui : celui de régulateur. Par exemple, chaque jour, dans le domaine numérique, nous constatons davantage l’impérieux besoin d’agir, le droit courant après les usages -à cet égard, nous aurons très prochainement à discuter du projet de loi visant à sécuriser et à adapter l’espace numérique, texte qui adapte notre droit au DMA et au DSA européens-.
Il en va de même de l’exploitation cinématographique en outre-mer : nous devons intervenir par nécessité.

En effet, sans cette PPL, il est une certitude : la plupart des exploitants ultra-marins -voire tous ?- ne survivront pas à un relèvement du taux de location autour de 50%, à moins d’augmenter le prix du billet à un niveau tel que le public ne sera pas au rendez-vous. Or sans exploitants, point de salles de cinéma, point de diffusion, point de publics et point de culture.

Pouvons-nous prendre ce risque et prendre le parti du laissez-faire en tant que garants de l’intérêt général qui n’est, en l’espèce, ni celui des distributeurs ni celui des exploitants, mais bien celui des populations ultra-marines qui ont le droit, comme les métropolitains, d’accéder au 7 ème art et de voir les films qu’ils désirent ? Ma réponse, qui est également celle de la commission Culture, est claire et sans ambiguïté : nous ne pouvons pas et nous ne devons pas.

Comme soulignaient l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des affaires culturelles dans un rapport de 2013 sur l’extension aux départements d’outre-mer des dispositifs de soutien au cinéma du Centre national du cinéma et de l’image animée, « l’offre cinématographique est limitée et contrainte dans son développement », alors même que la sortie au cinéma semble être « une tradition culturelle forte (…),laquelle a entraîné l’implantation de nombreux points de projection fixes ou itinérants au cours des années 50 et 60 ».

Aujourd’hui, ce passé cinématographique est particulièrement mis à mal ; alors qu’en métropole, la densité d’équipement moyenne est d’un écran pour 11 340 habitants, elle n’est que d’un écran pour 27 300 habitants en outre-mer, des disparités très fortes entre territoires ultra-marins pouvant être par ailleurs observées.

A cette situation, s’ajoutent les surcoûts structurels liés aux TOM : insularité, étroitesse des marchés, normes antisismiques et anticycloniques, coût élevé de la vie et revenus inférieurs de 38% par rapport à la métropole. En outre-mer, rendre accessible la culture est donc d’abord un enjeu matériel, très concret, qui concerne l’ensemble des champs artistiques. Ainsi, le prix du livre est nécessairement plus élevé qu’en métropole du fait du coût de transport.

En ce sens, un débat en séance publique sur l’accessibilité culturelle en outre-mer, comarainné par la commission de la culture et par la délégation aux outre-mer, serait pertinent afin d’établir un état des lieux, de lever les freins existants et de réfléchir à la création de dispositifs de compensation qui favoriseraient la diffusion des arts et de la culture dans les territoires ultra-marins.

Vous l’aurez donc compris, à travers le plafonnement du taux de location qui est proposé dans cette PPL, mesure a priori technique, nous tendons vers l’idéal politique inscrit à l’alinéa 13 du Préambule de la Constitution de 1946 : « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte (…) à la culture ». Si nous, législateurs, ne menons pas cette bataille, qui la mènera ?

Néanmoins, j’entends les appels à la vigilance quant aux répercussions de cette PPL sur la diversité culturelle, singulièrement sur
la diffusion des films indépendants. J’y suis très sensible. Comme en métropole, le public ultra-marin doit avoir un large choix entre les « blockbusters » ou films populaires et les films d’auteur. Il est hors de question de renoncer à cette diversité et à cette exigence, et nous devrons donc évaluer l’impact de la PPL en la matière.

Au demeurant, je ne veux pas faire la part belle au manichéisme, certes à la mode, mais complément stérile, qui consisterait à opposer ces deux cinémas ; ils sont au contraire complémentaires. En revanche, je suis convaincue que le succès du cinéma d’auteur, auquel je suis très attachée, requiert une sensibilisation, une médiation culturelle qui commence dès le plus jeune âge. C’est en partie le sens de l’éducation au cinéma, aux images. Rencontrer son public, c’est avant tout le préparer.

J’ajouterai que la prise en considération de la diversité culturelle doit être réciproque. Je m’explique : si les films d’auteur d’origine métropolitaine ont vocation à être diffusés en outre-mer, les films ultra-marins ont tout autant vocation à être diffusés en métropole. Le CNC doit d’urgence trouver des solutions pour assurer une meilleure visibilité en métropole du cinéma ultra-marin, lequel a une longue histoire : Rue cases-nègres, Nèg marron etc.

Pour conclure, je laisse la parole à Osange Silou-Kieffer, journaliste et « encyclopédie du cinéma antillais et africain » (Firmine Richard) : « ce n’est pas une méconnaissance, c’est un déni dont souffre le cinéma ultra-marin (…) Qui connaît Euzhan Palcy ? Personne ! Jean-Claude François Barny ? Idem. La seule personne que tout le monde connait, c’est Pascal Légitimus (…) Les histoires de l’Outre-Mer, tout le monde les connaît. C’est ce qu’on appelle le réalisme merveilleux. C’est ce que Garcia Marquez racontait, c’est pareil que ce que Coelho raconte, c’est le même univers, le même imaginaire… Ces histoires-là, j’estime qu’on n’a pas besoin d’être Guadeloupéen, Martiniquais ou Guyanais pour s’y intéresser ». Nous avons tout simplement besoin de les entendre et de les voir, mais pour cela, faut-il encore qu’elles soient diffusées.

Je vous remercie.