Séance publique du 10 décembre 2020
Proposition de loi Protection patrimoniale et promotion des langues régionales

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes Chers Collègues,

Dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel estimait que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires comportait plusieurs dispositions contraires à la Constitution, en particulier au regard de son article 2, qui dispose que « la langue de la République est le français ».

À la suite de la révision constitutionnelle de 2008, les langues régionales ont, enfin, obtenu une reconnaissance justifiée au sommet de notre hiérarchie des normes, étant définies par l’article 75-1 de notre Constitution comme « appartenant au patrimoine de la France ».

Pour autant, cette évolution, qui était attendue de longue date, n’a pas entraîné la ratification de la Charte européenne par la France – je le regrette –, témoignant des réticences, plus ou moins discrètes, et de la nécessité, toujours patente, de consolider et d’affermir les langues régionales dans notre droit positif.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi, qui vise à les protéger et à les promouvoir.

Alors, il y a eu des tentatives : je pense à la proposition de loi des députés socialistes adoptée en janvier 2017, dont la rapporteure était Annie Le Houerou, ici présente ; je pense aussi à la proposition de loi de Roland Courteau, qui, en 2017, avait fait adopter des mesures relatives à l’installation des panneaux d’entrée et de sortie d’agglomération en langue régionale.

Je suis donc d’autant plus satisfaite que l’on examine ce texte, et je remercie notre collègue Monique de Marco d’avoir repris la proposition de loi de Paul Molac, notre collègue député breton que je salue.

Cette proposition de loi a vocation à lever les freins qui empêchent de respecter et d’appliquer pleinement la lettre de notre Constitution.

C’est singulièrement le cas en matière d’enseignement, dans la mesure où l’article 34 de la loi pour une école de la confiance, qui avait suscité d’intenses débats – souvenez-vous-en ! – dans notre assemblée – je pense en particulier à Maryvonne Blondin, qui avait défendu un amendement dont la rédaction a malheureusement été modifiée par la suite –, a suscité de nombreux imbroglios administratifs.

À titre d’illustration, en région Bretagne, plus de cent cinquante demandes de médiation ont été transmises aux services de l’État, soulignant les ambiguïtés et difficultés d’application de la loi.

Quand la loi est mal comprise, c’est qu’elle est mal rédigée. Il nous revient donc de lever les incertitudes et de revenir sur les dispositions de l’article 34 : tel est le sens des amendements que nous défendrons collectivement dans cette assemblée.

En outre, la préservation et le développement des langues régionales dans notre société passent par la sécurisation juridique des usages et des pratiques qui leur sont liés. Je pense particulièrement au titre III de la proposition de loi, singulièrement à ses articles 8 et 9.

Ce dernier me tient particulièrement à cœur en tant que Bretonne, puisqu’il conforte l’utilisation de signes diacritiques dans les actes d’état civil, dont le tilde, permettant ainsi de clore un feuilleton jurisprudentiel qui pouvait « insécuriser » et limiter le recours à ces signes.

Alors, je ne dirai jamais assez que la diversité linguistique et culturelle est une richesse inestimable. Concilier aspirations universalistes et singularités humaines, c’est à cette introspection dévoilée par notre emploi des langues régionales que nous invite Mona Ozouf, que j’ai envie de citer devant vous, cet après-midi : « En chacun de nous, en effet, existe un être convaincu de la beauté et de la noblesse des valeurs universelles, séduit par l’intention d’égalité qui les anime et l’espérance d’un monde commun, mais aussi un être lié par son histoire, sa mémoire et sa tradition particulières. Il nous faut vivre tant bien que mal entre cette universalité idéale et ces particularités réelles. »

En somme, mes chers collègues, il nous faut composer et recomposer avec nos langues comme avec nos identités, certes ancrées, mais constamment en devenir. C’est à ces conditions que nous pourrons enfin résoudre ces tensions si personnelles et, pourtant, si collectives. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.)