Il me revient la lourde tâche de conclure le débat pour savoir quelles politiques publiques mettre en place à destination de la jeunesse suite  la crise sanitaire.

INTERVENTION CONCLUSION DEBAT QUELLES NOUVELLES POLITIQUES PUBLIQUES A DESTINATION DE LA JEUNESSE 

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire d’Etat,
Mes chers collègues,

Je crois que nos échanges ont mis en lumière un constat partagé sur tous les bancs : comme d’ordinaire en situation de crise, les jeunes sont durement frappés par celle du Covid-19. Ils le sont même doublement : d’abord, à titre individuel ; en second lieu, parce que n’étant pas entièrement autonomes d’un point de vue financier, ils sont le réceptacle indirect et presque mécanique des dommages causés par la crise, singulièrement sur leurs parents –par exemple, un parent qui perd son emploi risque de diminuer l’aide apportée à son enfant.

La période de confinement a ainsi fragilisé notre jeunesse et produit beaucoup de cassures qui, elles-mêmes, ont parfois induit des ruptures :

  • Premièrement, cassure éducative, consécutive à la suspension des cours en présentiel pendant plusieurs mois, voire jusqu’à la fin de l’année dans l’enseignement supérieur, atténuée par le recours massif au numérique et, surtout, l’investissement des professeurs qui ont assuré une forme de continuité pédagogique. Néanmoins, comme il était prévisible, le nombre de décrocheurs a augmenté et il conviendra donc de tout mettre en œuvre pour les « rattraper ». Par ailleurs, les doctorants n’ont pu mener à bien leurs travaux de recherche. A cet égard, le projet de loi relatif aux dispositions d’urgence contient des mesures pour prolonger leurs contrats, mais il nous revient de veiller à ce que cet effort budgétaire ne pèse pas sur les établissements ;
  • Deuxièmement, cassure économique et sociale, qui dérive de la perte d’emploi subie par de nombreux étudiants. La suspension de leur contrat de travail ou de leurs « petits boulots » a accentué leurs difficultés financières, en particulier pour les jeunes en rupture familiale, et ce, malgré la suspension de loyer décidée par les CROUS et les élans de solidarité qui se sont manifestés. De manière analogue, les apprentis ainsi que les stagiaires qui étaient en stage ou qui escomptaient effectuer un stage gratifié, ont perdu une source de revenu substantielle. Enfin, il est primordial de mentionner l’isolement social dont ont été victimes beaucoup de jeunes et qui a été notamment dénoncé par les syndicats étudiants ;
  • Troisièmement, cassure civique et culturelle : nous savons que les jeunes constituent une part importante des bénévoles dans les associations et qu’ils s’engagent pour la collectivité, à travers le service civique tout particulièrement. La pandémie du Covid-19 a freiné cet engagement, comme elle a privé la jeunesse d’un accès physique et vivant à la culture, alors même que la saison des festivals est un moment phare qui la rassemble.

Par conséquent, de ce constat sans équivoque, ressort une priorité absolue, appelée unanimement lors de ce débat : un plan de relance en faveur de la jeunesse. Vous l’avez esquissé, Monsieur le Secrétaire d’Etat ; comme vous pouvez le constater, il est attendu et scruté très attentivement ! Au regard de l’ampleur de la crise liée au Covid-19, deux types de mesures semblent indispensables :

  • des dispositifs d’ordre général destinés à l’ensemble des jeunes ;
  • des dispositifs spécifiques pour les plus vulnérables, dont les difficultés ont pu s’accroître pendant cette période. Notre politique publique ne peut faire l’économie de ces mécanismes ciblés sous peine d’oublier toute une partie de notre jeunesse. Ce sera un enjeu sociétal majeur qui implique certes des moyens financiers, mais également une approche transversale regroupant les services de l’Etat et les acteurs territoriaux –collectivités, associations etc., singulièrement sur la question du développement des services publics dans les territoires les plus fragilisés.

Dans la perspective de ce plan de relance, trois axes essentiels se dessinent autour d’une thématique : l’accompagnement.

  • Un accompagnement éducatif : dans la mesure où cette année scolaire aura été partiellement tronquée, que les décrochages se seront accrus, il s’avère fondamental de renforcer l’accompagnement des étudiants en difficulté, en particulier en licence, en renforçant les modules de rattrapage –les « oui-si », ce qui sous-entend d’octroyer plus de moyens aux universités. Parallèlement, il est indispensable d’anticiper la rentrée universitaire et de veiller à ce que chaque étudiant dispose d’outils numériques suffisants et satisfaisants, dans l’hypothèse où cette rentrée panacherait formation en présentiel et à distance ;
  • un accompagnement financier et social : ce volet est vital, car il détermine l’autonomie réelle des jeunes et conditionne, en partie, la réussite des étudiants. Schématiquement, deux objectifs peuvent être poursuivis :
    • d’une part, octroyer les moyens nécessaires aux étudiants afin qu’ils puissent poursuivre leurs étudesen :
      • reconduisant, le plus rapidement possible, l’aide de 200 euros versée aux étudiants et jeunes précaires, en élargissant son périmètre afin qu’il colle à la réalité vécue par chaque jeune –au lieu qu’il réponde à une catégorisation qui passe à côté d’une partie de sa cible ;
      • soutenant les CROUS afin qu’il n’y ait aucune augmentation de loyer à la rentrée et en réfléchissant aux conditions d’exonération de loyer pour les étudiants les plus précaires l’année prochaine ;
      • prolongeant exceptionnellement les bourses aux mois de juillet et août pour les étudiants ayant une activité pédagogique ;
      • garantissant, dès maintenant, une stabilisation du montant des bourses par échelon, indépendamment de l’augmentation probable du nombre de boursiers.
      • renforçant l’accompagnement médico-social, car le renoncement aux soins risque de s’accentuer sévèrement l’année prochaine.
    • D’autre part, favoriser l’insertion des jeunes dans l’emploi en :
      • rétablissant l’aide de recherche pour le premier emploi qui a été supprimée en 2018 alors qu’elle venait à peine d’être mise en œuvre. A l’inverse, l’extension de la garantie jeunes ne me paraît pas une idée pertinente, puisqu’elle risquerait de nuire à l’objectif originel : venir en aide aux plus précaires. Or, il ne faut aucunement que notre politique publique en vienne à abandonner les plus précaires au nom de l’insertion des diplômés. Autrement dit, « déshabiller Paul pour habiller Pierre » serait une véritable erreur ;
      • mettant en place un vaste plan en faveur de l’apprentissage. Nous aurons bientôt à débattre des arbitrages que vous aurez rendus ;
      • créant une aide financière à destination des jeunes souhaitant entreprendre, créer leur entreprise ou se lancer dans une démarche partenariale dans l’un des domaines prioritaires de la relance : la santé, l’éducation/la culture, l’environnement et le numérique.
      • abrogeant, définitivement, la réforme de l’assurance-chômage qui est contracyclique et particulièrement injuste pour les jeunes entrant sur le marché de l’emploi.
  • un accompagnement civique : en la matière, trois mesures se révèlent salutaires :
    • augmenter les moyens budgétaires alloués au service civique dès le second semestre 2020 afin de pouvoir proposer un plus grand nombre de missions, singulièrement dans les territoires les plus fragilisés. Pour ce faire, un redéploiement des crédits dédiés au service national universel est tout à fait envisageable ;
    • organiser, dès cet été et en particulier dans le cadre des activités 2S2C, une vaste campagne de sensibilisation au service civique.
    • remettre sur pied, au moins pour une période transitoire, les emplois aidés réservés au secteur associatif ;

En conclusion, j’aimerais rappeler qu’avant l’émergence de l’épidémie, les jeunes étaient extrêmement mobilisés, tout particulièrement sur la question environnementale. Si aujourd’hui et demain ne ressembleront pas à hier, nous ne pouvons balayer d’un revers de main cet engagement qui était le leur et faire comme s’il n’avait pas existé ; au contraire, il demeure une permanence.

Au-delà des moyens financiers alloués à la jeunesse, la Nation doit permettre à cette conscience écologique de s’exprimer, de vivre et de se matérialiser ; car nous percevons de plus en plus nettement qu’elle est le symbole, le sens et le commun qui réunit cette jeunesse. Albert Camus écrivait que « chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse ». Au péril totalitaire que dénonçait sans relâche Camus, s’ajoute désormais le péril écologique, dans une équation jamais rencontrée ; cette fois-ci, en plus « d’empêcher que le monde ne se défasse », nous sommes collectivement condamnés, et non « voués », à « le refaire », à l’imaginer et à le concrétiser. C’est, je crois, l’invitation et l’appel des jeunes générations ; nous devrons, quoi qu’il arrive, y répondre.

Je vous remercie.