Bienvenue en France : « Un sujet fondamental dont les parlementaires doivent se saisir »

« Je partage l’avis du gouvernement sur le fait que nous manquons d’une stratégie pour l’accueil des étudiants étrangers, et qu’il est essentiel de l’élaborer et de la mettre en œuvre. Mais qui dit stratégie dit réflexion de fond autour de ce qu’est l’attractivité et comment favoriser cet accueil. Or, de voir que le plan Bienvenue en France n’a fait l’objet d’aucune concertation ni étude d’impact me semble regrettable », déclare Sylvie Robert, sénatrice (groupe Socialiste et républicain) d’Ille-et-Vilaine et vice-présidente de la commission culture, éducation du Sénat, à News Tank, le 11/03/2019.

Elle s’exprime après son intervention lors du Cneser le même jour, où étaient présentés les projets de texte mettant en œuvre les frais différenciés pour les étudiants étrangers extra-communautaires. Il s’agissait de sa première intervention dans cette assemblée, pour laquelle elle vient d’être désignée représentante du Sénat, par son président, Gérard Larcher. « Cela veut dire que je suis déléguée par le Sénat pour le représenter, mais pas que je suis son porte-parole », précise-t-elle.

Pour la sénatrice, il est important que les parlementaires se saisissent de la question des frais différenciés : « En tant que législateurs, nous ne pouvons pas être indifférents à l’impact d’une telle mesure, qui concerne autant l’accès des étudiants à l’enseignement supérieur, que les ressources des universités, l’impact économique sur nos territoires, ou encore les relations diplomatiques avec certains pays ».

Elle souligne les différentes initiatives prises par ses collègues : questions au gouvernement, mission flash de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, prise de position du groupe d’amitié France-Tunisie du Sénat, etc.

Depuis l’annonce du plan Bienvenue en France par Édouard Philippe, le 19/11/2018, plusieurs universités, et une bonne partie des organisations syndicales et étudiantes, mais aussi la CPU, ont appelé à un moratoire ou à un retrait de la mise en œuvre des droits différenciés. Lors du Cneser, ces textes ont été massivement rejetés par 64 voix contre, trois pour et deux abstentions.

« Ce que je trouve étonnant, c’est, alors même qu’il y a une forme de consensus pour demander un moratoire pour pouvoir travailler ensemble sur ce sujet, que le gouvernement ne l’entende pas », dit Sylvie Robert. Interrogée sur l’impact de cette mesure, elle se veut prudente, et attend les chiffres consolidés de Campus France sur les candidatures et les inscriptions.

Les parlementaires et la question de l’attractivité des étudiants étrangers

Le débat sur les droits d’inscription des étudiants extracommunautaires avait été abordé lors de l’examen au Sénat de la loi ORE, début 2018. Mais il avait été alors renvoyé à un débat ultérieur. Aussi, à la suite de l’annonce du plan Bienvenue en France, le 19/11, des parlementaires se sont penchés sur ce sujet.

Questions au gouvernement

Dès le 22/11/2018, soit trois jours après, un député interpellait le Premier ministre lors des questions au gouvernement pour savoir si « la hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers ne préfigurait pas l’augmentation des droits d’inscription des étudiants en France », alors qu’un rapport de la Cour des comptes le suggérait — tout en critiquant la mise en œuvre de frais différenciés pour les étudiants étrangers.

Édouard Philippe avait indiqué qu’il n’était « dans les projets ni de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ni du gouvernement, de procéder à cette augmentation [des frais d’inscription à l’université] pour les étudiants français ou européens ».

Le 16/01/2019, au Sénat cette fois, c’est Frédérique Vidal qui répondait à la question d’une sénatrice relative à la décision de certaines universités de ne pas pratiquer de frais différenciés à la rentrée 2019. La ministre avait alors évoqué le « devoir d’obéissance et de loyauté » des fonctionnaires. Une formulation qui avait suscité de vives réactions parmi les universitaires, et dont elle s’était expliqué à News Tank.

Une lettre de deux présidents de commission du Sénat à la ministre

Après plusieurs mois de mobilisation d’un certain nombre d’universités et des syndicats étudiants, la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a décidé de se saisir de la question à travers une mission flash, dont les conclusions seront rendues le 13/03/2019.

Au Sénat, la question sera aussi abordée par la commission culture, éducation et communication, le même jour, faisant suite notamment à une lettre de Catherine Morin-Desailly, sa présidente, cosignée avec Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, adressée à Frédérique Vidal le 19/02, dont News Tank a pris connaissance.

Ils déplorent le fait de ne « jamais véritablement avoir eu l’occasion de [se] prononcer sur les tenants et aboutissants d’une telle décision avant qu’elle fasse l’objet d’une annonce officielle ».

« Les réactions qu’elle a suscitées soulignent combien elle peut soulever de difficultés et d’incompréhensions, tenant notamment à sa soudaineté : comment, par exemple, des candidats à la poursuite d’études en France ne pourraient-ils pas être désemparés face à un tel changement fondamental des conditions de cette mobilité ?

Nous considérons pour notre part que l’accueil des étudiants étrangers constitue une dimension essentielle de notre diplomatie culturelle et d’influence. À cet égard, une réflexion a-t-elle été conduite et l’impact d’une telle décision a-t-il été évalué, notamment vis-à-vis des pays partenaires de la francophonie ? »

Le groupe d’amitié France-Tunisie

Autre groupe parlementaire à avoir réagi officiellement : le groupe d’amitié France-Tunisie, dont Sylvie Robert est vice-présidente. Il a publié un communiqué appelant à un moratoire des frais différenciés, le 07/03/2019. « Le gouvernement disposerait ainsi du temps nécessaire pour approfondir sa réflexion afin de limiter les effets regrettables pour l’attractivité de la France », indiquait le groupe.

Pour le sénateur et président de ce groupe, Jean-Pierre Sueur, il s’agit aussi « d’apaiser la situation avec nos partenaires étrangers, mais également avec nos universités ». Il évoque plusieurs risques de cette mesure :

  • « Fixer des droits d’inscription à plusieurs milliers d’euros lorsque le salaire moyen ne dépasse pas quelques centaines d’euros conduit irrémédiablement à fermer les portes de nos universités »
  • « Restreindre l’accès aux universités françaises risquerait donc de réduire l’attractivité du réseau français ».

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POGO – Paris –Mardi 12 mars 2019 – Actualité n°142171