Situation de l’instruction au tribunal judiciaire et à la cour d’appel de Rennes
À publier le : 01/06/2023
Texte de la question : Mme Sylvie Robert appelle l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation dégradée de l’instruction au tribunal judiciaire et à la cour d’appel de Rennes. En effet, le pôle instruction du tribunal judiciaire est actuellement sous-dimensionné. Il s’ensuit que la charge de travail des 6 magistrats instructeurs – 4 affectés au pôle criminel et 2 à la juridiction internationale spécialisée dans la grande criminalité (JIRS)- a significativement progressé : 124 dossiers d’information par cabinet de droit commun et 33 par cabinet JIRS. Il convient de rappeler que les seuils d’alerte sont atteints respectivement à partir de 72 et de 25 dossiers. D’autre part, d’un point de vue démographique, le nombre moyen de juges d’instruction au niveau national s’établissait à 8,4 pour un million d’habitants en 2018. Sur le ressort de la cour d’appel de Rennes, le ratio actuel est nettement en-deçà : 5,1 pour un million d’habitants, soit un déficit de 15 postes, alors même que la croissance démographique est constante depuis 2008. En d’autres termes, le nombre actuel de juges d’instruction au sein du tribunal judiciaire et de la cour d’appel de Rennes s’avère nettement insuffisant. Concrètement, le stock de dossiers s’accumule et les délais d’achèvement des procédures sont dangereusement allongés. Aujourd’hui, l’ensemble de la chaîne pénale est embolisée, à l’instar des services d’enquête et des experts auxquels la justice a besoin de recourir. Pour le dire clairement, la situation de la justice pénale à Rennes est critique. Par conséquent, elle lui demande comment le Gouvernement entend répondre à l’urgence de la situation et s’il est disposé à accroitre les moyens humains du pôle instruction, tant au tribunal judiciaire qu’à la cour d’appel de Rennes. Il s’agit d’une question fondamentale pour les justiciables, pour les magistrats, pour les fonctionnaires et services d’enquête dans leur ensemble.
Réponse de M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics
Publiée le : 13/10/2023, page 7171
Texte de la réponse : Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 717, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, la situation de l’instruction au tribunal judiciaire ainsi qu’à la cour d’appel de Rennes est particulièrement dégradée. Un chiffre témoigne de l’urgence à étoffer les effectifs : au tribunal judiciaire, le nombre de dossiers d’information par cabinet de droit commun est de 124, quand le seuil d’alerte est fixé à 72. Le seuil est également amplement dépassé dans les cabinets chargés de la grande criminalité.
Bien que le département d’Ille-et-Vilaine connaisse une croissance démographique soutenue et continue depuis 2008, le nombre moyen de juges d’instruction dans le ressort de la cour d’appel de Rennes n’est que de 5,1 pour 1 million d’habitants, quand le ratio national s’élève à 8,4. C’est le plus bas de France… Traduit concrètement, cet écart signifie qu’il manque quinze juges d’instruction.
Malgré l’investissement des magistrats, les conséquences de cette insuffisance sont réelles. Le stock de dossiers augmente, les délais d’achèvement des procédures sont allongés, le risque de prescription s’accroît. Aujourd’hui, l’ensemble de la chaîne pénale est « embolisée », à l’instar des services d’enquête et des experts auxquels la justice a besoin de recourir. En d’autres termes, la situation de la justice pénale à Rennes a atteint un point critique.
Sept magistrats ont pris leur fonction au tribunal judiciaire de Rennes lors de sa rentrée solennelle : c’est un bon début. En revanche, la situation de l’instruction reste très tendue. Dans ces conditions, de nouveaux renforts sont-ils prévus pour soulager les magistrats instructeurs et améliorer le service rendu par la justice ? Si oui, combien, et selon quelle ventilation entre le tribunal judiciaire et à la cour d’appel ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, la situation de la cour d’appel et du tribunal judiciaire de Rennes fait l’objet d’une attention particulière de la part du ministère de la justice.
À la cour d’appel, les effectifs ne connaissent aucune vacance.
Au sein du tribunal judiciaire de Rennes, les effectifs du service de l’instruction sont également au complet : les trois postes de juge ainsi que les trois postes de vice-président sont pourvus. Par ailleurs, les effectifs globaux du tribunal judiciaire de Rennes connaissent un surnombre de juge non spécialisé. Seul un poste de juge des enfants est vacant, mais il est numériquement compensé par un second surnombre de juge non spécialisé.
Cependant, dans la mesure où, malgré cet état de fait, certains services peuvent connaître des situations de forte activité, une réflexion d’ensemble est menée sur les besoins des juridictions dans le contexte d’une augmentation inédite du budget et de recrutements historiques qui ont été adoptés définitivement par le Parlement, notamment hier au Sénat.
C’est pourquoi je vous indique que la cour d’appel de Rennes bénéficiera à ce titre d’une augmentation sensible de ses effectifs à l’horizon de 2027.
Ce sont en effet au moins 58 magistrats, 61 greffiers et 54 attachés de justice supplémentaires qui viendront renforcer les juridictions du ressort de cette cour.
Entre 2017 et 2027, ce seront donc plus de 101 magistrats supplémentaires qui seront venus renforcer le ressort de la cour d’appel de Rennes !
Je veux être clair : tous ces renforts prévus dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 se font en plus des remplacements des départs à la retraite.
Dans le cadre de la politique fixée par la Chancellerie – celle de la confiance dans les acteurs de terrain -, il appartient désormais aux chefs de la cour d’appel de Rennes de proposer la répartition de ces effectifs au sein des différentes juridictions de leur ressort en fonction d’une analyse locale, au plus près des besoins.
Je vous confirme que ces renforts permettront, le cas échéant, de renforcer les effectifs de juges d’instruction du ressort du tribunal judiciaire de Rennes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos annonces. Nous savions qu’un rattrapage était prévu, car la situation est très tendue. Je ne connais en revanche toujours pas ce qu’il en sera du nombre précis d’effectifs supplémentaires et de la ventilation pour 2024.
De façon plus générale, je regrette vivement qu’un « effet jeux Olympiques » entraîne des problèmes de ventilation des magistrats dans les juridictions de province et empêche que la fluidité de la chaîne pénale soit assurée comme il se doit. Je rappelle à ce titre que, si les jeux Olympiques durent quatre mois, les juges d’instruction sont nommés pour trois ans.
Je le répète, même si vous le savez, monsieur le ministre, aujourd’hui, la situation au tribunal judiciaire et à la cour d’appel de Rennes est extrêmement tendue.