« Nous sommes condamnés à l’urgence » : le Sénat s’active pour trouver un mode de financement de l’audiovisuel public

Mis en place dans l’urgence après la suppression de la redevance, le système provisoire de financement de l’audiovisuel public arrive à échéance à la fin de l’année. Sans ligne gouvernementale claire, plusieurs sénateurs poussent pour pérenniser le financement par une fraction de la TVA, d’autres souhaitent le retour de la redevance. Une proposition de loi devrait être inscrite à l’ordre du jour au mois d’octobre ou novembre.

Encore une fois, la dissolution bouleverse les calendriers. Alors que Rachida Dati espérait voir aboutir son projet de fusion et faire voter la création de la holding « France Médias » au début de l’été, la ministre reconduite à la Culture est désormais confrontée à un chantier bien plus urgent : le financement de l’audiovisuel public.

La suppression de la redevance audiovisuelle, actée en 2022, avait en effet conduit à imaginer un nouveau mode de financement dans l’urgence, prélevé sur la TVA. Une solution temporaire, qui arrive à échéance à la fin de l’année 2024 et oblige le Parlement à se prononcer avant la fin de l’année sur un nouveau modèle plus pérenne.

Trois modèles de financement proposés par le Parlement

Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, plusieurs parlementaires ont proposé des textes pour convenir d’un nouveau mode de financement. Les sénateurs Cédric Vial, Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon ont de leur côté déposé une proposition de loi, visant à graver dans le marbre la solution de financement par la TVA trouvée en 2022.

À l’Assemblée nationale, l’ex-député Quentin Bataillon (non réélu aux dernières législatives) avait également déposé une proposition de loi, visant cette fois-ci à financer l’audiovisuel public par un « prélèvement sur recettes », une part de recettes de l’État aujourd’hui allouée à l’Union européenne et aux collectivités territoriales. « Ces deux systèmes de financement ne sont pas très éloignés l’un de l’autre, ils remplissent tous les deux l’objectif d’indépendance et de pérennité du financement de l’audiovisuel public », estime le sénateur centriste Laurent Lafon. La proposition de loi sénatoriale reprend d’ailleurs l’idée d’un financement spécifique par un « prélèvement sur recettes » pour la chaîne Arte, créée par un traité international qui impose des règles de financement spécifiques.

Enfin, au Sénat, une troisième solution de financement émerge : le retour d’une redevance, défendu par une proposition de loi de la sénatrice Sylvie Robert. « C’est le mécanisme de financement le plus sécure, celui qui garantit le plus d’indépendance et qui donne le plus de prévisibilité aux médias », estime l’élue socialiste. La sénatrice ne plaide toutefois pas pour un retour au système abandonné en 2022 : « Nous proposons l’instauration d’une redevance plus juste, beaucoup plus progressive, avec un montant ajusté selon le revenu fiscal de référence des foyers. »

Aucun texte à l’ordre du jour au Sénat

Ni le Premier ministre, ni la ministre de la Culture n’ont pour le moment tranché sur le mode de financement à adopter. Si un retour de la redevance s’annonce peu probable, la proposition de loi de Cédric Vial, Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon, ou le texte venu de l’Assemblée, pourraient être repris par le gouvernement. Aucun n’a pour le moment été inscrit à l’ordre du jour.

Au Sénat, Laurent Lafon indique avoir soulevé le sujet auprès de Gérard Larcher. « Le texte n’est pas inscrit à l’ordre du jour qui a pour le moment été établi jusqu’au 17 octobre, mais le président Larcher a demandé au gouvernement qu’il soit inscrit le plus rapidement possible », explique le sénateur. Le sujet sera-t-il discuté lors de la prochaine conférence des présidents, prévue le 2 octobre ? « Je le souhaite, mais nous n’avons aucune garantie, nous attendons la position du gouvernement », indique Laurent Lafon.

« Je regrette que nous soyons obligés de légiférer dans la précipitation », se désole de son côté Sylvie Robert. Si la sénatrice et son groupe socialiste n’ont pas officiellement pris position en faveur de la proposition de loi de leurs collègues, elle concède : « Nous sommes condamnés à l’urgence ». Car si rien n’est tranché l’audiovisuel public pourrait se voir budgétisé, soumis chaque année à la loi de finances. Un modèle qui n’assurerait à l’audiovisuel public aucune visibilité, d’autant plus en période de forte instabilité politique.

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