Expérimentation pour réutiliser les eaux « non conventionnelles »
Question n° 24951 adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation
Publiée le : 21/10/2021
Texte de la question : Mme Sylvie Robert appelle l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur la possibilité d’expérimenter les solutions de réutilisation des eaux extraites du lait et des eaux usées traitées au sein des sites industriels. En effet, la réutilisation de l’eau est une technique déjà mise en place dans de nombreux pays, qui a pour avantage d’économiser l’eau potable, en particulier au sein de la filière alimentaire. Afin de garantir la sécurité alimentaire, cette filière mobilise d’importantes ressources en eau, notamment pour le nettoyage des outils de production. Engagée dans une démarche de réduction de sa consommation en eau, elle pourrait bénéficier d’une expérimentation visant à réutiliser les eaux usées traitées et les eaux extraites des matières premières alimentaires, dite REUSE. À l’échelle de la Bretagne, plus de 2,5 millions de m3 d’eau potable pourraient être ainsi économisés. Naturellement, la mise en œuvre des techniques opérationnelles repose sur des protocoles stricts pour assurer la qualité sanitaire de l’eau. Néanmoins, pour y parvenir, il conviendrait de lever un blocage d’ordre réglementaire, dans la mesure où le code de la santé publique dispose que l’eau potable doit obligatoirement être issue du milieu naturel, ce qui exclut de facto les eaux non conventionnelles, quand bien même elles atteindraient un niveau de qualité similaire. Par conséquent, elle lui demande si le Gouvernement souscrit à l’expérimentation dite REUSE et serait enclin à lever les obstacles réglementaires en modifiant le code de la santé publique.
Réponse de M. le ministre des solidarités et de la santé
Publiée le : 28/04/2022, page 2397
Texte de la réponse : Le « Paquet hygiène » est un ensemble de 5 règlements européens directement applicables dans tous les États membres. Cette législation, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, s’applique à l’ensemble de la filière agroalimentaire depuis la production primaire, animale et végétale jusqu’à la distribution au consommateur final, en passant notamment par l’industrie agroalimentaire. Le règlement (CE) no 178/2002 est le texte clé du « Paquet hygiène » définissant les principes généraux du corpus réglementaire et assignant la responsabilité première de la sécurité des denrées aux exploitants du secteur alimentaire qui les mettent sur le marché. Il définit quelques obligations spécifiques (obligation de traçabilité, obligation de retrait de produits susceptibles de présenter un risque pour la santé publique, obligation d’information des services de contrôle). Parmi les autres règlements du « Paquet hygiène », on peut citer le règlement (CE) no 852/2004 relatif à l’hygiène des aliments qui exige entre autres, la mise en place de procédures fondées sur les principes HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) dans le cadre d’un plan de maîtrise sanitaire et le règlement (CE) no 853/2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale qui précise notamment l’obligation d’agrément sanitaire pour les exploitants de ce secteur alimentaire. Ces règlements (CE) n° 852/2004 et n° 853/2004 rappellent que l’utilisation d’eau potable constitue la règle pour les entreprises du secteur alimentaire mais ils ouvrent droit à la possibilité d’utiliser des eaux de qualité moindre à l’eau potable (eaux « propres »), pour certains usages et sous conditions. Aussi, le règlement (CE) n° 852/2004 définit trois catégories d’eaux différentes : « eau potable », l’eau satisfaisant aux exigences minimales fixées par la directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ; « eau de mer propre », l’eau de mer ou saumâtre naturelle, artificielle ou purifiée ne contenant pas de micro-organismes, de substances nocives ou de plancton marin toxique en quantités susceptibles d’avoir une incidence directe ou indirecte sur la qualité sanitaire des denrées alimentaires ; « eau propre », eau de mer propre et eau douce d’une qualité similaire. Le règlement (CE) n° 852/2004 évoque également la possibilité d’utiliser « de l’eau potable ou de l’eau propre là où cela est nécessaire de façon à éviter toute contamination » pour les productions primaires animale et végétale (annexe I) ; une eau recyclée dans la transformation ou comme ingrédient à condition qu’elle ne présente « aucun risque de contamination » et qu’elle satisfasse « aux normes fixées pour l’eau potable, à moins que l’autorité compétente ait établi que la qualité de l’eau ne peut pas compromettre la salubrité des denrées alimentaires dans leur forme finale » (annexe II, chapitre VII). En ce qui concerne le cadre réglementaire actuel, l’article R. 1321-6 du code de la santé publique, stipulant que « l’utilisation d’une eau ne provenant pas du milieu naturel ne peut être autorisée », concerne la procédure d’autorisation relative à l’utilisation d’une ressource (captage) aux fins de production d’eau destinée à la consommation humaine. Les réflexions sur l’utilisation d’eaux recyclées ou d’eaux propres dans l’industrie agroalimentaire sont en cours avec le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, également compétent sur ce sujet. Le principe de l’expérimentation devrait être privilégié avant tout changement de la réglementation existante.