Intervention de Mme Sylvie Robert
au nom de la commission de la culture
sur les crédits des programme 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

Projet de loi de finances pour 2020
Séance publique Jeudi 5 décembre 2019

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Difficile de porter un jugement tranché sur le budget 2020 pour la création et la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, qui constituent deux des trois programmes de la mission « Culture ». Dans les grandes masses, les crédits d’intervention destinés à la création sont préservés, comme le sont également ceux consacrés à l’accès à la culture et à l’enseignement supérieur placé sous la tutelle du ministère de la culture.

Mais non sans sacrifices ! Crédits d’investissement, fonds de roulement des établissements, tout y passe… au risque de voir bientôt disparaître toute marge de manœuvre.

Je ne vous cache pas que cette stratégie nous inquiète car elle nous paraît difficilement soutenable. C’est la deuxième année consécutive que vous la mettez en œuvre et nous voyons mal comment vous parviendrez à la reconduire une troisième fois. Sans compter qu’elle renforce la crainte d’un désengagement progressif de l’Etat vers les collectivités territoriales ou les acteurs privés. Nous aurons l’occasion d’en discuter dans quelques mois autour du projet de loi « 3D ». Mais reconnaissez que les appels aux collectivités se multiplient pour qu’elles mettent en œuvre, mais surtout financent les grandes priorités nationales : Pass culture, Micro-folies, éducation artistique et culturelle.

Et c’est sans doute la seconde difficulté de ce budget : la difficulté à juger à ce stade de la pertinence de certains outils qui engloutissent une part croissante des crédits, au détriment des politiques jugées plus traditionnelles.

Je pense en particulier au Pass culture, qui pourrait, compte tenu des reports, être doté de 49 millions d’euros l’an prochain, alors que les crédits destinés à l’éducation artistique et culturelle – l’EAC – en tant que telle sont, pour leur part, en baisse et ne représentent même pas le double de ces crédits : 96 millions d’euros. Les premiers résultats de l’expérimentation parus il y a deux semaines sont mitigés et ne démontrent pas que le Pass culture permettra de réduire les inégalités sociales et territoriales qui font obstacle à l’accès des jeunes à la culture, ou de diversifier leurs pratiques culturelles.

Nous ne voudrions pas que le Pass culture résume progressivement la politique de l’Etat en matière d’EAC car nous croyons qu’il n’aura de sens que s’il vient s’inscrire dans la continuité d’un parcours d’EAC déjà complet et abouti.

N’oublions pas non plus qu’à la base de toute politique de démocratisation culturelle, il y a d’abord des artistes et des œuvres. Attention, dès lors, à ne pas privilégier l’objectif d’émancipation au point d’assécher les crédits destinés à la création, car l’ensemble des politiques culturelles en pâtiraient. Les conditions de travail des artistes doivent être propices à l’acte de création. C’est l’une des raisons pour lesquelles la commission de la culture a déposé un amendement pour rétablir les crédits du Fonds pour l’emploi pérenne dans le spectacle.

Sous ces réserves, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ».