INTERVENTION PPLO FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC – 5 MINUTES

Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,

Enfin ! Enfin, nous nous penchons sérieusement sur le financement de l’audiovisuel public depuis la suppression de la redevance, en 2022, dans le cadre d’un PLFR. Depuis bientôt trois ans, sur les bancs situés à gauche de cet hémicycle, nous n’avons cessé :

  • premièrement, de combattre la disparition de la CAP, qui s’est produite dans une extrême précipitation et qui s’est apparentée à un grossier tour de passe-passe budgétaire, les Français continuant de financer l’audiovisuel public via l’impôt le plus injuste, à savoir la TVA ;
  • deuxièmement, d’alerter les gouvernements successifs sur la nécessité de trouver, rapidement, un mécanisme pérenne ;
  • troisièmement, de proposer des solutions qui garantissent l’indépendance de l’audiovisuel public -j’y reviendrai.

Au final, où en sommes-nous aujourd’hui ? J’ai envie de répondre : là où nous voulions éviter d’être. A deux mois de l’échéance fatidique, l’audiovisuel public est dans le brouillard et nous, parlementaires, sommes littéralement acculés. Je regrette d’autant plus cette situation que nous sommes plusieurs à avoir tiré sur la sonnette d’alarme. Surtout, cette situation était amplement évitable ; mais il eut fallu une volonté politique.

Or, ni le Président de la République, ni les gouvernements successifs, ni la macronie ne l’ont eue. Pour preuve, c’est une PPLO d’initiative sénatoriale qui va, peut-être, permettre d’éviter le pire, en l’occurrence la budgétisation.

Pour le groupe socialiste, écologiste et républicain, cette PPLO n’est qu’un pis-aller. Elle n’est pas la solution optimale pour assurer un financement pérenne et dynamique à l’audiovisuel public, de nature à lui octroyer de la visibilité et à préserver son indépendance. Vous le savez, notre choix premier se tourne vers l’instauration d’une contribution à l’audiovisuel public, juste et progressive, qui concilie les principes de justice fiscale et sociale avec la défense d’un service public de l’audiovisuel fort, tourné vers l’avenir.

C’est pourquoi, cet été, nous avons actualisé et redéposé la proposition de loi visant à assurer la qualité et l’indépendance du service public de l’audiovisuel par un financement affecté, juste et pérenne. Cette PPL n’est pas seulement notre écot à la réflexion ; plus profondément, elle est l’affirmation que le financement et l’indépendance de l’audiovisuel public sont des intérêts fondamentaux pour les citoyens et la Nation. En ce sens, il ne mérite pas une protection de second rang (protection low-cost), ce qu’accorde cette PPLO, mais une protection absolue (premium). D’ailleurs, il n’est pas anodin que les premiers concernés soient unanimement en faveur de cette contribution remodelée. Comme ils l’écrivent : « elle est la solution la plus souhaitable ».

Malheureusement, le dogmatisme fiscal auquel nous faisons face, à l’œuvre depuis 7 ans désormais, et les délais impartis empêchent de faire prospérer notre proposition de loi. Si je le déplore vivement, je demeure néanmoins convaincue qu’à long terme, le modèle que nous soutenons est le seul qui satisfasse réellement aux obligations en matière de financement et d’indépendance de l’audiovisuel public. Il est l’optimum que nous continuerons de défendre.

Face au couperet qui est devant nous, deux options sont donc envisageables :

  • le rejet de cette PPLO, au nom de l’idéal, mais avec le risque que la budgétisation devienne réalité et porte un coup fatal à l’audiovisuel public ;
  • le vote de cette PPLO, sans engouement, mais en faisant montre de l’esprit de responsabilité qui a cruellement fait défaut à l’exécutif.

Nous choisirons cette seconde voie, car nous ne voulons ni déstabiliser ni fragiliser plus encore l’audiovisuel public, dans une période où son existence même a été remise en cause. Vous l’aurez compris, cet assentiment du bout des doigts n’est pas un chèque en blanc et n’épuise nullement la question du financement de l’audiovisuel public.

Avant de conclure, et en plein examen des contrats d’objectifs et de moyens des différentes sociétés de l’audiovisuel public, notre groupe tient à réaffirmer plusieurs exigences :

  • d’abord, aucune régulation infra-annuelle ne doit être possible. Comme pressenti, les crédits dits de « transformation », part conditionnelle et ajustable d’un montant de 69 millions d’euros qui figurait dans le PLF 2024, ont largement été amputés en cours d’exercice ;
  • ensuite, le chantage financier à la fusion de l’audiovisuel public est inacceptable et ne doit pas revenir sous une quelconque forme. Sur ce point, le projet de fusion que vous portiez Madame la ministre, avec la majorité sénatoriale, nous a fait perdre un temps précieux, précisément le temps qui nous manque aujourd’hui ;
  • enfin, l’Etat ne peut plus être l’actionnaire inconstant, peu fiable, qu’il est depuis des années, ne respectant jamais la trajectoire des COM.

Au contraire, il doit accompagner les sociétés de l’audiovisuel public dans leur politique de transformation, dans un secteur marqué par une concurrence féroce ; en somme être l’Etat stratège que nous attendons toutes et tous.

A cet égard, dans le contexte actuel j’en appelle à l’élaboration d’une stratégie d’ensemble pour l’audiovisuel public, portée par l’Etat pour les dix prochaines années, couvrant toutes ses dimensions : informationnelle naturellement, mais aussi culturelle, territoriale et extérieure. Plutôt que d’œuvrer dans l’urgence comme nous le faisons aujourd’hui, contre-exemple de ce que nous devrions faire, prenons le temps de préparer l’avenir et donnons vraiment à l’audiovisuel public les moyens d’être ce que nous voulons qu’il soit !

Je vous remercie

Revue de presse sur le sujet

Écran Total : « Journée charnière au Sénat » – Cliquer ici

Le Monde : « Le Sénat pérennise le mode de financement de l’audiovisuel public » – Cliquer ici

Écran Total : « Le Sénat vote pour sécuriser le financement de l’audiovisuel » – Cliquer ici

Télérama : « Le Sénat vote dans l’urgence le projet de loi de financement de l’audiovisuel public » – Cliquer ici

Le snj CGT : « Communiqué du SNJ-CGT et du SNRT-CGT Audiovisuel » – Cliquer ici

Public Sénat « Audiovisuel public : le Sénat adopte une proposition de loi pour pérenniser son financement » – Cliquer ici

Mon Communiqué de Presse

AUDIOVISUEL PUBLIC : L’ESSENTIEL A DEFAUT DE L’OPTIMAL

Le Sénat a voté à la quasi-unanimité la pérennisation du financement de l’audiovisuel public par l’octroi d’une part de TVA. Sans cela, dans deux mois, l’audiovisuel public aurait directement dépendu du budget de l’Etat, faisant peser des risques majeurs sur son indépendance.

J’ai regretté l’inaction des gouvernements successifs depuis la suppression de la redevance en 2022, ce qui crée aujourd’hui un climat d’extrême urgence. J’ai par ailleurs défendu l’instauration d’une contribution à l’audiovisuel public, juste et progressive, conformément à la proposition de loi que j’ai déposée cet été au nom du groupe socialiste. Comme de nombreux acteurs le soulignent, cette solution est la plus optimale.

La question de la gouvernance s’est aussi invitée dans le débat, malgré le récent échec du projet de fusion de l’audiovisuel public porté par la ministre de la Culture et la majorité sénatoriale. Je souhaite que nous prenions les choses dans l’ordre : d’abord, établissons une stratégie à dix ans pour l’audiovisuel public, ensuite adaptons la gouvernance à cette stratégie, en s’assurant que le financement soit en adéquation.