Face à cette barbarie du 13 novembre 2015, j’ai écrit cette tribune reprise par l’Express.
« Les arts et la culture éclairent face à l’obscurantisme »
Article édité et mis en une par la rédaction de l’EXPRESS
Depuis les attentats du vendredi 13 novembre, les artistes sont mobilisés pour rendre hommage aux victimes, pour certaines attaquées en plein concert au Bataclan. Lorsque la culture est attaquée, la culture répond. Pour notre contributrice, la sénatrice Sylvie Robert, l’art est au cœur de la question.
Le vendredi 13 novembre, l’obscurantisme, la folie meurtrière ont assassiné des innocents, des innocents qui allaient écouter de la musique, qui allaient au stade, qui flânaient aux terrasses des bistrots parisiens. En un mot, la barbarie s’est attaquée aveuglément à notre instinct de bonheur, à cet art de vivre qui est le nôtre, à notre culture qui témoigne de notre insatiable passion pour la vie.
Pourquoi l’artiste est-il souvent le premier visé par les totalitarismes ? Parce qu’il dérange. Parce qu’il s’échappe de ce qui est, parce qu’il dénonce parfois subrepticement ou avec fracas, parce qu’il refuse de se conformer, parce qu’il nous oblige à questionner le monde sensible, à réfléchir sur nous-mêmes et à confronter nos pensées, nos visions, nos êtres.
En ce sens, la création est aussi un acte de révolte, qui demeure, par essence, opposé à tout immobilisme. Comme l’écrit Camus, « l’art est ce mouvement qui exalte et nie en même temps. »
« Défiance et haine envers les artistes »
Par son œuvre, l’artiste ne fait pas que se dévoiler et révéler le monde tel qu’il le conçoit ou l’imagine. Bien plus que cela, il révèle à l’individu ce qu’il est, dans toutes ses forces et dans toutes ses fragilités. C’est précisément pour cette raison que les artistes, dans leur diversité, ont souvent été entourés, de tout temps, par le mépris, la suspicion, la défiance, parfois la haine.
Depuis l’Antiquité, le comédien est accusé de duplicité, le poète est moqué, le peintre et l’écrivain passent pour fous. On ne pardonne que rarement à l’artiste d’être un miroir sans concession. Et pourtant, ne devrions-nous pas intensément le remercier ? Une chose est sûre. Même dans le mépris qui lui est parfois adressé, il y a un respect silencieux, indicible, celui de l’acte créateur. Les arts font tomber les masques autant que l’indifférence.
Lorsque le monde se perd, nous avons besoin des Arts et de la Culture, mais la Culture entendue comme source émancipatrice, ouverte à toutes les formes d’expression, diverse et plurielle.
« L’art et la culture pour combattre l’intolérance »
Aujourd’hui, face aux puissances dévastatrices, totalitaires, nous en avons besoin. À la destruction, au néant, répondre par la création, la vie, l’imaginaire. Car la création est un geste existentiel, par lequel l’homme affirme sa présence au monde, tout en s’en détachant, en le dépassant.
Aujourd’hui, nous avons plus que jamais besoin des Arts et de la Culture pour combattre l’intolérance. Puisqu’ils cherchent à étouffer notre liberté, à décrire le monde de manière manichéenne, consacrons la liberté de création, la liberté de pouvoir représenter le monde sous toutes ses formes, sous tous les fantasmes, la liberté de l’esprit et de l’imaginaire.
Quand les artistes commencent à se brider ou à se censurer, c’est que la société est en profonde souffrance. Le rire se tait, les larmes sèchent, la parole est muette. Le premier article du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui proclame que « la création artistique est libre », a trouvé un écho tout particulier dans le contexte actuel. Il ne s’agit plus de simples mots, il s’agit d’un véritable acte de résistance.
« Redonner du sens, créer du commun »
Enfin, les Arts et la Culture ont ce pouvoir protéiforme d’éclairer, d’apporter de multiples connaissances sur soi et sur l’Autre. Cette altérité est fondamentale. La barbarie actuelle n’a pour objectif que de diviser, de semer la discorde. En se dressant contre l’ignorance, en ouvrant les yeux de chacun sur la diversité du monde, la Culture permet de mettre à bas les barrières, d’éviter l’écueil des amalgames, de redonner du sens et de créer du commun.
Notre plus grand défi est de rester une société unie, solidaire, respectueuse des particularités et consciente que ce qui nous rassemble collectivement doit primer sur ce qui nous différencie individuellement. La démocratisation des savoirs de toute nature et la sensibilisation aux Arts deviennent alors des priorités.
Les attentats du 13 novembre sont une attaque contre la République et ses valeurs qui fondent notre vivre-ensemble. L’artiste nous éclaire sur ce qu’est le monde, nous invitant à refuser ses manquements, à le façonner différemment. Plus que jamais nous avons besoin de la lumière des artistes pour sublimer le réel et donner de l’espoir à l’humanité. Et crier avec eux que notre résistance, c’est la Liberté, l’Égalité, la Fraternité.
Sylvie Robert est sénatrice socialiste d’Ille-et-Vilaine et membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.