La sénatrice Sylvie Robert met la dernière touche à son rapport sur les bibliothèques. Le document sera remis à la ministre de la Culture Fleur Pellerin fin août, une mission sur l’adaptation des horaires d’ouverture. Pour l’heure, il existe 16.000 points de lecture, qui ouvrent en moyenne 14 heures par semaine dans les petites communes, une trentaine d’heures au mieux dans les grandes villes.
Emeline sait parfaitement à quel moment tombent les partiels des autres universités. Elle n’a qu’à regarder les files d’attente devant les bibliothèques ou son application sur mobile Affluences qui vire au rouge. En période de révision, c’est pire que tout. La jeune étudiante en droit à la Sorbonne, à Paris 1, en vient parfois à travailler dans un café : « En général, j’y vais tôt le matin, à l’ouverture. Sauf pour la bibliothèque François Mitterrand le dimanche, qui ouvre à 13 heures, où il faut arriver une demi-heure en avance si on veut être sûr de rentrer. Les périodes de révision de partiels de Paris 1 coïncident avec les fermetures de pas mal de bibliothèques. »
On peut faire autrement. Exemple : la BULAC à Paris. La Bibliothèque de langues et civilisations orientales est ouverte à tous six jours sur sept jusqu’à 22 heures. Et même 24 heures sur 24 pour un public plus restreint. Le bâtiment moderne, inauguré il y a trois ans, simplifie le travail de surveillance. Mais ça ne fait pas tout, explique Emile Page, responsable du pôle public de la BULAC : « On se relaie du haut en bas de l’établissement. Aussi bien le magasinier que le directeur de l’établissement. On passe un tiers de notre temps à assurer l’ouverture. Il faut qu’on soit prêt à être davantage disponible pour le public, à faire davantage de temps de présence en salle au détriment de certaines missions. Quand on ouvre en soirée de 20h à 22h, là on restreint les services. »
A Rennes, ouverture du lundi au dimanche pour toutes les bibliothèques
A Rennes, ce n’est pas une, mais toutes les bibliothèques qui ont modifié leur organisation en 2006, pour ouvrir tous les jours de la semaine, dimanche compris. Et ça marche : il y a plus de monde le dimanche qu’en semaine, d’après Sébastien Sémeril, premier adjoint à la Maire de Rennes et vice-président à la culture à Rennes Métropole : « C’est vrai qu’une ouverture dominicale n’est pas simple. Il fallait impérativement le travailler avec les personnels, avec un parti pris : l’intérêt du public. Nous pressentions dès 2006 un besoin pour une bibliothèque centrale ouverte le dimanche. C’est aussi des négociations pour obtenir des compensations, parce que travailler le dimanche est une contrainte supplémentaire. Ça nécessite un coût, autour de 40.000 euros par an de coût supplémentaire, mais un coût assumé : un Rennais sur quatre est adhérent à la bibliothèque de Rennes Métropole, ça montre bien une réelle appétence. »
« Seuls 15% des Français peuvent fréquenter des bibliothèques, 65% des Américains »
Aux Etats-Unis, au Canada, en Asie, en Belgique, les bibliothèques restent parfois ouvertes 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Treize mille personnes ont d’ores et déjà signé une pétition pour que la France rattrape son retard. Appel lancé il y a 18 mois par l’association Bibliothèques sans frontières, présidée par Patrick Weil : « Nous sommes un pays quasiment sous-développé en la matière. Vous imaginez faire la queue pendant plusieurs heures pour un siège alors que nous sommes le pays des Lumières ? Il n’y a que 15% des Français qui peuvent fréquenter des bibliothèques, 65% des Américains », souligne-t-il. Et surtout, insiste Patrick Weil, « les bibliothèques sont le phare de la laïcité. Où peut-on forger sesopinions le plus librement sinon dans les bibliothèques ? Il faudrait une bibliothèque de permanence, ouverte 24 heures sur 24 dans les villes de plus de 10.000 habitants », poursuit-il.
L’espace de quelques mois, la loi Macron a porté un amendement obligeant au moins les maires à ouvrir le débat. Les quelques lignes ont disparu, sans laisser de trace.