Le Sénat adopte la réforme de l’accès à l’université

 Par AFP — 8 février 2018 à 16:56 (mis à jour à 20:20)

Le Sénat a adopté jeudi la réforme des règles d’entrée à l’université, qui supprime le tirage au sort, après avoir prévu une meilleure prise en compte des débouchés.

Déjà voté à l’Assemblée nationale, le projet de loi de la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal vise aussi à réduire le taux d’échec en première année de fac (61% en licence). 231 (bien 231) sénateurs ont voté pour, la droite et LREM, et 93 (bien 93) contre, communistes et socialistes. Une grande partie du RDSE (à majorité radicale) s’est abstenue.

Le projet de loi fera le 13 février l’objet d’une commission mixte paritaire chargée de trouver un accord avec l’Assemblée. En cas de désaccord, les députés ont le dernier mot.

Le texte valide la nouvelle plateforme d’inscription Parcoursup, accusée à gauche d’instaurer la sélection. Avec ce dispositif, mis en place dès cette année, chaque université traitera la demande d’inscription de manière personnalisée et répondra au vu des compétences et connaissances requises pour être admis dans la filière souhaitée.

Il prévoit également le rattachement des étudiants au régime général de la sécurité sociale, ainsi que la création d’une contribution unique pour la vie étudiante.

Enfin, le texte entend reconnaître le principe de l’année de césure en l’ouvrant à tous les étudiants.

Les sénateurs ont suivi leur rapporteur Jacques Grosperrin (LR) qui, en commission, a introduit un amendement destiné à définir les capacités d’accueil en licence en fonction du taux de réussite et de l’insertion professionnelle.

«Ce ne sont pas les vœux des candidats qui doivent guider les choix d’ouverture de places dans les filières de l’enseignement supérieur mais les débouchés professionnels réels qui s’offrent aux diplômés», a souligné l’élu du Doubs.

«La sélection est une chance», a-t-il dit. «Elle représente une solution juste et égalitaire, profondément républicaine, gage de réussite pour les étudiants».

«Vos intentions non assumées sont apparues au cours du débat», a lancé Pierre Ouzoulias (CRCE, à majorité communiste) à l’adresse de Mme Vidal. «Vous avancez vers un système libéral où ce sont les universités qui choisissent leurs étudiants». «Nous affirmons notre opposition à la sélection qui est contraire à notre idéal républicain».

– ‘Sélection déguisée’ –

«Une ligne rouge a été franchie», a déclaré Sylvie Robert (PS) en regrettant que «la droite sénatoriale a durci le texte en donnant plus de pouvoirs aux présidents d’établissement» au détriment de ceux du recteur.

«Nous sommes opposés à toute idée de sélection, qu’elle soit sauvage, institutionnelle ou déguisée», a-t-elle dit.

«Il nous semblait important que le recteur ait le dernier mot» en cas du refus d’un candidat, a aussi souligné François Laborde (RDSE).

En revanche, pour Laurent Lafon (UC), «ce texte est une première étape qui a le mérite de débloquer une situation qui n’était plus tenable».

En séance, les sénateurs ont adopté un amendement de Michel Savin (LR) étendant aux étudiants sportifs de haut niveau auxquels serait refusée une inscription dans une zone géographique déterminée le droit de demander à l’autorité académique de réexaminer leur candidature.

Ils ont également prévu une meilleure information, dans les départements d’outre-mer, des candidats aux formations du premier cycle sur les opportunités existantes hors du territoire régional, notamment en France métropolitaine et dans l’Union européenne.

Ils ont aussi permis aux établissements d’enseignement supérieur le report jusqu’au 1er janvier 2020 de l’inscription de leurs formations à la plateforme Parcoursup.

Par ailleurs, ils ont donné la possibilité à ces établissements de décider un tarif spécifique de droits d’inscription pour les étudiants étrangers, hors Union européenne.

Les membres du groupe CRCE avaient déposé un recours en référé auprès du Conseil d’État pour obtenir la suspension de l’arrêté qui met en place Parcoursup.

Ils voulaient ainsi «contraindre le gouvernement à respecter les droits du Sénat et réaffirmer leur attachement au libre accès des bacheliers à l’enseignement supérieur».

AFP

Université : le Sénat conditionne les capacités d’accueil en licence aux débouchés professionnels

Le Sénat a adopté le projet de loi réformant l’accès à l’université en y apportant une modification de taille, proposée par les Républicains : les ouvertures de places dans les filières devront tenir compte de l’insertion professionnelle, et non des vœux des candidats.

Par Guillaume Jacquot
Public Sénat
jeudi 8 février 2018

Les sénateurs ont adopté jeudi en première lecture (231 pour, 93 contre) le projet de loi sur « l’orientation et la réussite des étudiants », avec quelques apports. Après les déboires cet été de l’ex-plateforme admission post-bac (APB), le gouvernement veut réformer les règles d’entrée dans l’enseignement supérieur, au cœur du nouveau dispositif Parcoursup. L’exécutif se donne aussi pour objectif de réduire le taux d’échec à l’entrée dans l’université, qui atteint 61% en licence.

Dans sa volonté de rendre le nouveau système « plus juste et conforme aux réalités du terrain », la droite sénatoriale a introduit une modification importante, sous l’impulsion du rapporteur Jacques Grosperrin (LR). Dans les filières du premier cycle de l’enseignement supérieur (licence, DUT, BTS), la création de places supplémentaires devra « prendre en compte les taux de réussite et d’insertion professionnelle observés pour chacune des formations ». Cet ajout a été très décrié par la gauche, qui a tenté, en vain, de le supprimer en séance.

« Du réalisme et du bon sens »

« C’est du réalisme et du bon sens », a insisté le sénateur Jacques Grosperrin (vidéo de tête), alors que 30.000 nouveaux étudiants sont attendus à la rentrée 2018. « Il faut ouvrir prioritairement des places dans les filières qui insèrent et qui préparent aux métiers du futur […] Enfermer dans celles qui ne débouchent sur aucune insertion professionnelle, ce n’est pas instaurer des numerus clausus, comme je l’ai entendu dire, mais mettre toutes les chances de réussite du côté de nos jeunes. »

Les bancs de la gauche ont soutenu des amendements pour effacer cette disposition. Impossible que cette gestion des places ne prépare aux métiers du futur, selon le communiste Pierre Ouzoulias. « Vous imaginez bien qu’aujourd’hui avec la vitesse vertigineuse à laquelle évoluent les métiers, cette nécessité d’avoir un socle de formation commune est d’autant plus impérative. »

Dans son exemple, le sénateur des Hauts-de-Seine a affirmé que « 80% des comptables » dans les années 60 « n’avaient pas fait d’études de comptabilité ». « Ce sont des gens qui avaient poursuivi un parcours qui leur permettait d’avoir une culture générale suffisante pour ensuite s’orienter vers les opportunités que leur offrait le marché de l’emploi », a-t-il expliqué.

« L’université n’est pas là pour répondre aux besoins des entreprises »

« Attention, c’est nier vraiment la nature et la valeur même de tout ce qui concerne l’université », a mis en garde la sénatrice socialiste Sylvie Robert. Précisant qu’il n’y avait aucune naïveté dans son propos, la sénatrice d’Ille-et-Vilaine a considéré qu’il s’agissait là d’un problème de vision sur ce que doit être l’université. « L’université n’est pas là pour répondre aux besoins des entreprises, elle est là pour élever le niveau, elle est là pour mettre en place des niveaux de qualification qui permettent aux jeunes de leur donner les outils pour accompagner leur parcours professionnel. »

Même gêne également dans du groupe RDSE, notamment chez les sénateurs de l’ex-PRG (Parti radical de gauche). « Une orientation choisie favorise un parcours plus réussi qu’une orientation subie », a déclaré Françoise Laborde. « La ventilation d’étudiants de plus en plus nombreux dans les formations non demandées participera à briser les vocations des candidats qui subiront les effets d’un sous-investissement de l’État dans l’enseignement supérieur. Je ne pense pas qu’une telle politique puisse améliorer la réussite en licence. »

Dans son amendement, refusé, elle proposait de plutôt conditionner les créations de places aux nombre de vœux observés dans chaque filière l’année précédente, ou de se baser sur le nombre de bacheliers.

Favorable au principe introduit par Jacques Grosperrin, le sénateur (Union centriste) Laurent Lafon a toutefois pointé que les « taux de réussite et d’insertion professionnelle » pouvaient être « assez complexes à quantifier ». « Il y a un problème de définition. Quand est-ce qu’un étudiant est inséré professionnellement ? Parce qu’il a un travail au bout de 6 mois ou parce qu’il a toujours le même travail bout de 3 ou 5 ans ? »

Le texte remanié a été adopté avec les voix de la droite, de l’Union centriste, des Indépendants – République et Territoires et du groupe La République en marche. L’ensemble du groupe socialiste et du groupe CRCE (à majorité communiste) ont voté contre, et la quasi-totalité du RDSE s’est abstenue. Une commission mixte paritaire doit désormais trouver une version commune avec l’Assemblée nationale, qui a adopté sa propre version en décembre.