Je défends l’amendement 24 de l’article 1bis lors de l’examen en seconde lecture du projet de loi liberté de la création, architecture et patrimoine concernant la sanction pénale pour entrave à la liberté de création artistique – 2 minutes 30
Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,
« Le domaine de la création artistique parce qu’il est le fruit de l’imaginaire du créateur, est soumis à un régime de liberté renforcé afin de ne pas investir le juge d’un pouvoir de censure qui s’exercerait au nom d’une morale nécessairement subjective de nature à interdire des modes d’expression, souvent minoritaires, mais qui sont aussi le reflet d’une société vivante et qui ont leur place dans une démocratie. »
En une seule phrase, les juges de la Cour d’appel de Versailles ont apporté, par leur arrêt du 18 février dernier, une réponse claire, nette et sans ambigüité au débat qui nous anime quant à la nature de la liberté de la création artistique.
De ces quelques lignes, il ressort que la création artistique doit être protégée des velléités de censure, de plus en plus prégnantes, d’acteurs et de collectifs divers qui cherchent à imposer à la société et aux créateurs une morale par essence subjective et bien souvent rigoriste, pour ne pas dire rétrograde. Quand ils parviennent à leur fin, comme ce fut encore le cas récemment, cette infime minorité prive alors une large majorité d’avoir accès à une œuvre, s’attaquant aux fondements mêmes de la création et de la diffusion artistiques. Nous ne pouvons céder sur ce point à moins de concéder, implicitement, qu’il existe un art moralement acceptable et un art moralement répréhensible. Les juges de vertu sont d’un autre temps, et le seul art condamnable est celui qui ne respecte pas la loi.
Ainsi, dès lors que la spécificité de la liberté de création artistique est établie, il est nécessaire d’y adjoindre un « régime de liberté renforcé », comme le font observer les magistrats de la Cour d’appel de Versailles. A mon sens, ce « régime renforcé » passe non seulement par la reconnaissance de la singularité de la liberté de création et de diffusion artistiques, mais aussi par la normativité de ces principes essentiels à l’existence, au développement et au rayonnement des Arts et de la Culture dans notre pays.
C’est pourquoi, pour conférer une normativité à ces principes, nous proposons de créer une sanction pénale en cas d’entrave à la liberté de création et à la liberté de diffusion artistiques, analogue à celle qui prévaut en cas d’entrave à la liberté d’expression.
J’ajouterai que par syllogisme, il serait incohérent de convenir du caractère particulier, unique de la liberté de création et de diffusion, et de vouloir les assimiler, pénalement, à la liberté d’expression. Ces libertés sont bien distinctes et méritent donc une caractérisation pénale en cas d’entrave distincte.
Enfin, je souhaiterais conclure mon argumentation en soumettant cette interrogation : dans une société démocratique saine et vigoureuse, plutôt que de chercher à punir l’artiste au nom de postulats moraux nécessairement discutables, ne devrions-nous pas chercher à punir celui qui s’estime et se comporte comme le censeur d’un art qui n’a pour seul défaut de lui déplaire ? Je le répète, le mérite d’une œuvre n’est pas de plaire ; elle est d’exister et d’être accessible.