INTERVENTION EN DISCUSSION GÉNÉRALE SUR LE PROJET DE LOI CRÉATION (4-5 minutes)

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

La Culture a besoin d’un soutien politique affirmé. Aux incertitudes économiques et systémiques pesant sur le dialogue et le partenariat entre les collectivités territoriales et les acteurs culturels, aux inquiétudes liées au désengagement croissant de certains financeurs, à la remise en cause des principes mêmes de la création artistique, doit répondre une volonté politique sans failles.

À l’aune de l’examen en seconde lecture du projet de loi création, il en est de notre responsabilité collective. D’ailleurs, cette volonté s’exprime tout particulièrement dans les deux premiers « articles-préambule » du texte, qui posent des jalons essentiels en proclamant solennellement que la création artistique et la diffusion de la création artistique sont libres.

À ce sujet, le groupe socialiste proposera de conférer une portée plus normative à ces dispositions fondamentales, en prévoyant une sanction pénale en cas d’entrave à la liberté de création ou à la liberté de diffusion artistiques, sur le même modèle de ce qui prévaut en cas d’entrave à la liberté d’expression.

Alors que le Festival de Cannes vient de se terminer, n’oublions pas que très récemment, plusieurs films, pourtant internationalement reconnus par la critique, ont vu leur visa d’exploitation être annulé en France, suite à la plainte d’associations aux visées clairement rétrogrades. Et que dire des arts visuels régulièrement ciblés ?

La volonté politique que j’évoquais précédemment aboutit à combattre cette idéologie qui voudrait épurer la création de tout ce qui serait contraire à une pensée qui se veut dominante et moralisatrice. Le mérite de la création artistique n’est pas de plaire ; il est d’exister et d’être accessible. Vouloir interdire la diffusion d’une œuvre qui n’est aucunement condamnable au regard de la loi, c’est s’attaquer à l’ensemble et au principe même de la liberté de création artistique.

Dans le contexte actuel, je me réjouis donc que le Gouvernement ait confirmé son attachement aux principes fondateurs de la création artistique, en les réaffirmant dès l’incipit du projet de loi.

Cependant, la création ne s’arrête pas aux arts vivants. Comme le rappelle l’intitulé du projet de loi, elle concerne aussi l’architecture. En la matière, l’engagement politique est tout autant primordial, et les collectivités territoriales doivent s’emparer davantage des instruments à leur disposition afin d’endiguer un phénomène qu’un hebdomadaire qualifiait, il y a quelques années de « France moche ». Cette question des formes urbaines et architecturales participent aussi de notre manière de vivre ensemble et est donc plus que jamais d’actualité.
Parmi ces instruments, figure le « 1% .  De moins en moins utilisé par les collectivités, l’article 26 bis du projet de loi vise à améliorer son fonctionnement, en permettant de sélectionner, en amont, l’auteur de l’œuvre d’art insérée dans la construction. Plus précisément, une fois le maître d’œuvre choisi, les collectivités devraient s’attacher à sélectionner, sans délai, le créateur du 1%.

Cette mesure, issue du rapport de la mission d’information sur la création architecturale de juillet 2014, est essentielle artistiquement et économiquement. Je regrette qu’elle ait été supprimée en commission par la majorité sénatoriale. Le signal envoyé n’est pas favorable à la stimulation et à la Défense de la création architecturale. C’est pourquoi, le groupe socialiste du Sénat soutiendra avec vigueur son rétablissement.

Dans la perspective d’une meilleure qualité architecturale, outre l’article 26 portant sur la labellisation des immeubles présentant un intérêt architectural, je tiens à saluer l’avancée que constitue le « permis de faire » à l’article 26 undecies. Devant l’uniformisation du cadre bâti, le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats pour la réalisation d’équipements publics ouvre un champ des possibles que les professionnels de l’aménagement et du cadre de vie attendaient depuis longtemps.

Pouvoir déroger à certaines normes applicables à la construction est une innovation majeure qui aura un impact visible et évident sur l’environnement urbain ainsi que sur la physionomie de nos édifices publics. À terme, cette expérimentation sera également de nature à simplifier les normes, en éliminant celles qui apparaîtront superflues.

Par-delà ce projet de loi, je crois que le recours à l’expérimentation et la validation par l’expérience sont des démarches intéressantes  pour innover et assurer aux acteurs, qu’ils soient publics ou privés, une certaine liberté pour atteindre l’objectif fixé. Le développement de l’expérimentation doit s’intégrer au renouveau des politiques publiques.

Enfin, j’espère que cette responsabilité collective et cet engagement politique en faveur des arts et de la Culture e, que j’appelle de mes vœux, se manifesteront au cours de nos débats. En première lecture, nous étions souvent parvenus à un point d’accord, à un compromis, à une position équilibrée, ce qui a favorisé l’émergence d’avancées notables, à l’image de l’article 26 quater sur le recours aux professionnels de l’aménagement et du cadre de vie pour les demandes de permis d’aménagement des lotissements.

En seconde lecture, j’espère nous continuerons dans cette voie afin que la Culture, que nous invoquons si souvent devant les tribulations de ce monde, occupe véritablement une place majeure dans notre société. Elle a besoin de celles et de ceux qui y croient, qui défendent les libertés et  notre vivre ensemble plus que jamais.    Je vous remercie.